
(...) J’ai mis du temps, trop de temps, à comprendre la force des doux, cette forme d’intelligence discrète, sensible et si contagieuse, cette noblesse dans un gant de velours, une posture morale attirante et balsamique. Je regrette aujourd’hui de ne pas en avoir saisi toute la portée avant et d’avoir confondu douceur et mollesse, douceur et ennui, douceur et fadeur.
Nous vivons une époque rude, aux angles acérés. Les débats font fureur partout dans les médias, sur toutes les tribunes, avec ses gladiateurs figés dans le pour et le contre, dans le pile ou face. La place publique est à feu et à sang (façon de parler), tantôt sur la couleur des carrés, tantôt à cause de l’ostentatoire du signe, et bientôt pour des élections. Qui dit « opinion » dit « tranchée ». Et qui dit « tranchée » pense « couteau ». Ils volent bas. (...)
« Une personne, une pierre, une pensée, un geste, une couleur… peuvent faire preuve de douceur », nous indique la philosophe et psychanalyste française Anne Dufourmantelle dans son superbe essai Puissance de la douceur, entre poétique et broderie de l’esprit. « Sa contiguïté avec la bonté et la beauté la rend dangereuse pour une société qui n’est jamais autant menacée que par le rapport d’un être à l’absolu. » (...)