
Faut-il y voir “la schizophrénie des Français” diagnostiquée par Christophe Barbier ? Au premier tour des législatives, la Nupes a fait jeu égal avec la majorité présidentielle. Respectueuses de ce résultat, toutes les chaînes, de TF1 à BFMTV en passant par France 2 (sans parler de CNews) accordent la priorité à la droite et à l’extrême droite. Et mettent les électeurs en garde contre une alliance “hétéroclite” qui risque de les mener tout droit au goulag.
« On reprend la direction du terrain, on va à l’Élysée. » Il est 17h50, ce dimanche, et la présentatrice de LCI donne la définition du « terrain » selon les chaînes info : une reporter en faction place Beauvau pour relayer les éléments de langage que des « proches du président » lui communiquent par téléphone. Sur BFMTV, on s’inquiète de l’abstention record. « Peut-être que le problème, suggère la politologue Anne-Charlène Bezzina, c’est de ne plus avoir de campagne programmatique, on n’a pas eu de questions qui ont émergé. » Ah bon, les candidats, les partis n’avaient pas de programme ? Ou bien les médias comme BFMTV ont pris soin de ne pas en parler ? « Donc, on a ce problème des Français qui sont mis en face de l’émotionnel. » On se demande bien par qui. Apolline de Malherbe rappelle : « Il y a quinze ministres qui sont candidats, pour eux, c’est un peu Koh-Lanta. » Enfin, on parle d’un programme (de télé-réalité). « S’ils tombent du poteau, c’est fini, ils sortent du gouvernement. » Émotionnellement, c’est traumatisant. (...)
Sur BFMTV, Christophe Barbier analyse : « On est, dans ce pays, dans une schizophrénie puisqu’on veut d’un côté des ministres qui connaissent leurs dossiers, des spécialistes de la spécialité et puis, en même temps, les Français se disent : “On veut quand même des gens qui soient extraits de la démocratie… Ah oui mais on veut pas de cumulards.” » Les Français sont fous, il faudrait réserver le droit de vote aux éditorialistes. « Alain Juppé, en 1995, était Premier ministre, chef de son parti, député et maire de Bordeaux. Ça ne choquait personne, ce cumul. » En tout cas pas Christophe Barbier. « Aujourd’hui, c’est impossible. Donc y a beaucoup de contradictions dans les demandes des électeurs. » Il faudrait mettre les électeurs à l’asile. (...)
Sur BFMTV, Amandine Atalaya revient sur la faible participation : « On n’a pas eu de thèmes de fond dans cette campagne. » Par exemple, la Nupes n’a fourni aucun programme (ni augmentation du Smic, ni retraite à 60 ans, ni réforme de l’impôt sur le revenu, etc.). Pas plus que LREM n’a proposé la retraite à 65 ans, la relance du nucléaire, etc. Du coup, BFMTV s’est trouvée contrainte de traiter la campagne sous l’angle émotionnel. « De quoi on a parlé ? On a eu la polémique du Stade de France, la polémique autour de Damien Abad, et la polémique sur cette jeune femme tuée par des policiers… Donc des événements assez extérieurs à cette élection. » Des faits divers émotionnels éloignés des thèmes de fond comme la doctrine du maintien de l’ordre, les violences faites aux femmes ou l’impunité policière. « Des événements très marqués sur des questions de sécurité, résume Apolline de Malherbe. Pour autant, on n’a pas l’impression que les questions de sécurité aient été au cœur de cette campagne. » Rappelons que les questions de sécurité concernent les basanés ensauvagés, pas les forces de l’ordre ni les violeurs. (...)
« Regardons les pourcentages, propose le sondologue Jérôme Fourquet sur LCI. Y a un tassement très fort de la majorité présidentielle et y a un effet d’optique sur le score de la gauche. » En effet, sur le graphique, la colonne de la Nupes atteint la même hauteur que la colonne d’Ensemble. Curieux effet d’optique. (...)
Il est 20h10 quand TF1 consent à donner la parole à une élue de gauche, Clémentine Autain, entourée, pour respecter les équilibres politiques, de quatre représentants de la droite (Gabriel Attal, Rachida Dati, Jordan Bardella et Guillaume Peltier). Avec la complicité de Gilles Bouleau et d’Anne-Claire Coudray, la candidate LFI est réduite au silence par des adversaires qui ne cessent de lui couper la parole.
« Vous voulez transformer l’Assemblée nationale en ZAD », l’interrompt Jordan Bardella. « Le racisme en France, c’est vous !, l’arrête Rachida Dati. La discrimination en France, c’est vous ! Vous ne cherchez pas des électeurs, vous cherchez des victimes ! » L’élue LR parle d’un « pari raté pour Mélenchon » quand soudain Anne-Claire Coudray la réduit au silence : « Je vous coupe, Marine Le Pen est en train de prendre la parole et je vous la redonne après. » Ouf, on ne pourra pas dire que TF1 n’a pas accordé la priorité aux adversaires de l’extrême droite (je regrette quand même que la chaîne n’ait pas invité Nadine Morano). (...)