
Elles sont toutes les quatre candidates aux législatives. Certaines sont soutenues par toute la gauche, de la France insoumise au Parti socialiste, d’autres pas. Les unes sont novices en politique, d’autres ont déjà une certaine expérience. Leur point commun ? Défendre leurs idées avant tout, partager une autre vision de la politique, au plus près du terrain, à l’écoute de ses habitants, y compris les « oubliés », de leurs préoccupations. Pendant toute la campagne, Basta ! a choisi de suivre Sarah Soilihi à Marseille, Isabelle Attard à Bayeux, Enora le Pape à Rennes et Nathalie Perrin-Gilbert à Lyon, où elles tentent, chacune à leur manière, de renouveler la politique et la représentation nationale. Voici le premier volet de notre série.
Isabelle Attard est la seule à avoir déjà été élue député mais sa manière d’exercer son mandat tranche avec les pratiques clientélistes et opaques de nombre de ses collègues. Enora Le Pape est novice en politique. Son profil et la réalité qu’elle côtoie ne sont pas représentés à l’Assemblée : elle fait partie des 5,8 millions de demandeurs d’emploi inscrit à Pôle emploi. Au nom de la défense de ses idées, Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement de Lyon, n’a pas hésité à s’attirer les foudres de Gérard Collomb, désormais ministre de l’Intérieur. Enfin, Sarah Soilihi, la plus jeune de ces candidates (24 ans) et championne de boxe, entame son premier combat politique face au FN dans les quartiers nord de Marseille. Le premier round commence. (...)
Dans sa circonscription, Sarah Soilihi est une figure bien connue. Mais jusqu’à présent pour autre chose que la politique : cette femme de 24 ans a été sacrée championne du monde de kick-boxing en novembre 2015, puis championne de France de karaté semi-contact l’année suivante. C’est désormais pour la voir aux côtés de Jean-Luc Mélenchon que les caméras de télévision la suivent de près, ces dernières semaines. Après avoir été porte-parole du candidat pour les présidentielles, la voici investie par la France Insoumise pour les législatives, dans la circonscription marseillaise juste à côté de celle sur laquelle le leader a jeté son dévolu.
Les premiers mois de campagne ont inévitablement chamboulé sa carrière de haut-niveau, mais hors de question de la mettre en parenthèse. Sarah Soilihi continue de s’entraîner plusieurs fois par semaine avec ses trois coachs. « Il ne faut pas perdre le cardio d’ici le prochain combat prévu à la rentrée », glisse-t-elle, sereinement. Trois coachs, car elle s’est mise récemment à une nouvelle discipline, le MMA, aussi connu sous le nom de free fight. « Au karaté, on ne frappe pas assez… », sourit-elle d’un air entendu.
« En politique, ceux qui souffrent sont toujours les plus démunis »
Pourtant, Sarah Soilihi tempère vite la métaphore tarte-à-la-crème du journaliste : « En boxe comme en politique, il y a des échanges de coups. Sauf que dans un cas, on l’a choisi, pas dans l’autre. En politique, ceux qui souffrent sont toujours les plus démunis. » (...)
Un brin hyperactive, Sarah Soilihi casse définitivement les codes de la politique telle qu’on la connaît dans les quartiers nord de Marseille. « Elle n’est pas là pour prendre un fauteuil et s’asseoir confortablement dedans », résume Mohamed, éducateur en foyer de mineurs délinquants. Sarah Soilihi peut donc espérer l’emporter par sa combativité. Pour cela, les prochains rounds seront décisifs. Sa victoire se jouera à quelques points.
Isabelle Attard (Calvados) : « Nos opposants ont de l’argent ; nous, nous avons la force du nombre. »
Libertés fondamentales, transition énergétique, critique des dérives de l’état d’urgence : voilà quelques-uns des combats de l’élue à l’Assemblée nationale [2]. Mais c’est aussi en dehors de l’hémicycle que la députée de 47 ans marque les esprits. Elle refuse les repas organisés par des lobbys, après avoir découvert leur fonctionnement en début de mandat. Renvoie les cadeaux qu’elle reçoit ou les donne pour la tombola d’une école. Transmet ses relevés de comptes à l’association Pour une démocratie directe, qui évalue l’utilisation des indemnités des parlementaires. Met sur pied un jury citoyen afin que la distribution de sa réserve parlementaire, ces 130 000 euros que chaque parlementaire peut distribuer chaque année, n’alimente des pratiques clientélistes. Isabelle Attard choisit aussi de limiter sa carrière politique : elle ne fera pas plus de deux mandats. (...)
Enora le Pape (Rennes) : une demandeuse d’emploi pour « l’urgence sociale et l’écologie »(...)
C’est par la solidarité internationale qu’Enora le Pape, 34 ans, est arrivée à la France insoumise. Titulaire d’un master en droit et pratique de la solidarité internationale, elle a vécu 10 ans en Équateur où elle a constaté, navrée, à quel point les décisions politiques prises au Nord impactent les pays du sud, et notamment les paysans. (...)
Enseignante et coordinatrice de projets dans le monde associatif, elle est revenue en France au début de l’été 2016 et s’est aussitôt investie dans un groupe d’appui à la candidature de Jean-Luc Mélenchon. « J’ai voté pour lui en 2012 et suivi de près la création du mouvement de la France insoumise, raconte-t-elle. Et comme je suis demandeuse d’emploi, je suis assez disponible. » Pendant plusieurs mois, elle assiste aux réunions, organise des débats, tracte en faveur de son candidat. Le 26 mars dernier, c’est elle qui introduit Jean-Luc Mélenchon lors de son meeting à Rennes, qui réunit 10 000 personnes. (...)
Nathalie Perrin-Gilbert (Lyon) : « La principale incarnation de la gauche alternative à Lyon »
A Lyon, aux pieds des pentes de la Croix-Rousse, Nathalie Perrin-Gilbert est une figure bien connue de la vie politique locale. Maire du Ier arrondissement de Lyon depuis 2001, cette femme de 46 ans est devenue une des principales opposantes à la « Collombie », ce système politique, tendance centriste, mis en place par le nouveau ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, qui régit l’ensemble des affaires politiques lyonnaises depuis plusieurs années, et élu depuis 35 ans ! [6]. « Nathalie est la principale incarnation de la gauche alternative à Lyon, elle s’est toujours élevée contre les politiques libérales de Collomb », souligne Alexandre Chevalier, militant politique à ses côtés depuis plusieurs années. (...)
A l’été 2016, nouvel affrontement public entre les deux édiles : tandis que les fontaines d’un jardin municipal ont été coupées suite à l’installation de familles « nomades » à proximité – afin de ne pas « laisser ce parc devenir un camping sauvage » [8] – Nathalie Perrin-Gilbert saisit directement le Défenseur des Droits. « C’est une femme de caractère, elle a un côté ‘‘Insoumis’’ avant l’heure », analyse un observateur local.
Comme Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Perrin-Gilbert est une ancienne transfuge du PS au sein duquel elle a milité pendant 20 ans, jusqu’à y occuper les fonctions de secrétaire nationale chargée du Logement en 2008 lorsque Martine Aubry prend la tête du parti. Elle s’en trouve exclue quand, aux élections municipales de 2014, elle décide de concourir à un troisième mandat aux côtés du Front de Gauche et du GRAM, le Groupement de Réflexion et d’Actions Métropolitaines. C’est sous les couleurs de ce mouvement citoyen qu’elle a co-fondé en 2012 qu’elle se présente aujourd’hui aux élections législatives dans la deuxième circonscription du Rhône, là où elle avait été élue suppléante du député PS Pierre-Alain Muet de 2007 à 2012. Ce dernier ne se représente pas mais soutient la candidature de Nathalie Perrin-Gilbert, qui n’aura pas de candidat socialiste face à elle.
Une gauche lyonnaise divisée qui hypothèque ses chances (...)
Avec une suppléante issue du Parti Communiste, Nathalie Perrin-Gilbert a donc réussi à construire autour d’elle un rassemblement politique assez large, du PC au Parti Socialiste, en passant par Ensemble ! (le mouvement de clémentine Autain) et même le Parti Pirate. (...) Pourtant, en dépit de ses proximités et de son soutien à Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, Nathalie Perrin-Gilbert ne sera pas soutenue par le mouvement de la France Insoumise, qui présente un candidat face à elle. « C’est un cas un peu compliqué, a tenté d’expliquer Nicole Benayoun, coordinatrice du Parti de Gauche à Lyon, parti qui participe à la majorité municipale auprès de Nathalie Perrin-Gilbert dans le Ier arrondissement. Nous lui avons ouvert les portes et proposé de nous rejoindre, mais elle a souhaité maintenir sa candidature sans signer notre Charte des candidats. » Cas de figure identique du côté d’EELV, qui présente également un candidat (...)