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Les Conseils d’urgence citoyenne se forment contre la « confiscation du pouvoir »
Article mis en ligne le 4 février 2016

Comment revitaliser la vie politique française, lutter contre la dérive autoritaire du pouvoir et reprendre la main ? C’est pour répondre à ces questions que se construit le mouvement des « conseils d’urgence citoyenne », lancé il y a un mois. Avec une idée phare pour faire entendre son opposition : la grève citoyenne.

À Nice, Carpentras, Douai ou Caen, ils appellent à la « grève citoyenne ». Ils, ce sont des artistes, des avocats, des responsables associatifs, des universitaires ou des élus, mais toujours et avant tout des citoyens. « Au sens de celui qui affirme sa liberté politique », dit l’historienne Sophie Wahnich, directrice de recherche au CNRS et membre fondatrice de ces « conseils d’urgence citoyenne ». Depuis un mois que le mouvement a été lancé à Paris, plus de vingt conseils se seraient déjà formés dans le pays.

Alors que le texte de prolongation de l’état d’urgence et de réforme du code de procédure pénale a été adopté en Conseil des ministres mercredi 3 février, les conseils d’urgence citoyenne expriment leur opposition à ces mesures. Ce « déploiement de l’état d’urgence a conduit sans délai et conduira à une confiscation des libertés publiques politiques », affirme son manifeste de création. (...)

Comment faire entendre son opposition ? Par une « grève citoyenne », donc. Du message sur les réseaux sociaux au jeûne, il est fait appel à la créativité de chacun pour mener « une grève perlée », dans la durée. Un logo avec une colombe en forme de V – comme vigilance – a été créé et pourra être utilisé sur n’importe quel insigne, à la façon des grèves à la japonaise – lorsque les ouvriers nippons interdits de grève utilisaient un brassard pour exprimer leur mécontentement. Il n’est pas prévu de cessation de travail, mais plutôt des formes de boycott : « Cela peut consister à refuser de consommer pendant un certain temps, propose Séverine Tessier, fondatrice d’Anticor, également à l’initiative de cette démarche. Chacun est libre d’agir comme il le sent, c’est aux esprits libres et volontaires que l’on fait appel. »

« Unir la population autour de valeurs communes » (...)

L’objectif est de rassembler un certain nombre d’opposants pour mieux faire corps. « On instrumentalise la division du peuple, sur de multiples sujets. Avec cette grève citoyenne, nous cherchons l’effet inverse : unir la population autour de valeurs communes, en partant de la première d’entre elles, la démocratie », résume Séverine Tessier. (...)

La contestation du régime d’exception recouvre un autre enjeu : « Sonner la riposte démocratique », selon l’expression de Sophie Wahnich. « Comment entrer en résistance, comment reprendre la main, comment reparticiper au débat… L’état d’urgence nous pose des questions au cœur d’une problématique politique beaucoup plus large. C’est un élément déclencheur », dit Isabelle Attard.

La dynamique s’est enclenchée bien avant les attentats du 13 novembre (...)

À l’état d’urgence, Nicolas Lambert oppose « l’urgence de refaire État ». L’artiste compte parmi les pionniers du processus, bien sûr par opposition à l’état d’urgence – « supprimer les libertés publiques jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de méchants, ça ne peut pas marcher » – mais aussi parce qu’« on ne peut plus se sentir à ce point dépossédé de la chose publique ; et la vraie question que l’on se pose est : comment réintéresser les citoyens à la vie de la Cité ? ».

C’est ce qui distingue les conseils d’urgence citoyenne des collectifs également opposés à l’état d’urgence, tels Stop État d’urgence ou Nous ne céderons pas, à l’origine de la manifestation de samedi : « Nous souhaitons donner un message de conquête politique, un cap constituant », explique Sévérine Tessier.

Pour l’heure, le mouvement des conseils d’urgence citoyenne élabore un kit méthodologique, à la manière d’Alternatiba : un collectif pluriel, hors des logiques de chapelle, avec un ancrage local à mailler. Il a trouvé son aphorisme de campagne : « Ne pas parler au nom du peuple, parler en tant que peuple. » Il reste à convaincre ses concitoyens qu’« en chacun de nous se trouve une parcelle de puissance politique qui mérite d’être remise sur la table commune », dit Sophie Wahnich.