
première publication de ce type sur un mouvement en pleine effervescence. Ce livre sera en librairie à partir du 24 janvier.
« Il n’est rien de plus impossible qu’une révolution avant qu’elle n’éclate ; il n’est rien de plus évident qu’une révolution lorsqu’elle a remporté sa première victoire »
(Rosa Luxemburg)
Quand les Gilets jaunes ont émergé, j’ ai réagi spontanément comme beaucoup de militants de gauche, habitants des métropoles, au capital culturel confortable. Vu de Paris, ces gens « de nulle part », se réclamant de la civilisation de la bagnole, soutenus par Le Pen, ne pouvaient qu’être racistes, sexistes et homophobes. Celles et ceux qui se rassemblaient sur les ronds-points, les péages et les parkings des centres commerciaux, dans la tradition des jacqueries antifiscales, n’ avaient rien à voir avec le changement social, tel que je l’ avais appris à travers la grammaire de l’ émancipation utilisée au xxe siècle. Ces « petits blancs » ressemblaient tellement à ce peuple de Trump et étaient si éloignés de ma vision du monde qu’ ils m’ étaient étrangers à tous les sens du terme.
Pourtant, en discutant avec de jeunes militants écologistes, je compris que je faisais fausse route, ressemblant à ces bourgeois, en particulier ces écrivains de droite ou de gauche qui avaient stigmatisé les Communards comme un peuple d’ alcooliques désœuvrés… Très vite j’ eus envie de suivre, d’ observer, d’ interpréter, mais aussi de soutenir et me mêler à ce mouvement social inédit qui confirmait non seulement la vague dégagiste électorale de 2017 mais aussi le mouvement de 2016 contre la Loi El Khomri,avec notamment l’ expérience de Nuit Debout et de la « prise des places ».
Ce que je voyais avec les Gilets jaunes, ce n’ était cependant pas Nuit Debout à Paris et dans les capitales des métropoles régionales, mais Nuit Debout sur chaque rond-point, sur chaque parking de supermarché, sur chaque péage… La colère des « gens de nulle part », de celles et ceux qui n’ ont jamais la parole dans la presse s’ exprimait enfin de façon brute mais efficace. Ils disaient : « Assez ! » (...)
Ingouvernables, ils devenaient des acteurs politiques incontournables de leur propre destin, et par là même du nôtre.
Cet événement improbable, il fallait au delà des interprétations, et quoi qu’ il devienne politiquement après décembre 2018, en raconter la genèse. (...)
Une brève histoire par conséquent, écrite « à chaud », avec là encore une forte dose d’ humilité sur le sens que l’ on peut accorder à ces mots au sortir d’ une période si proche.
Nous aurons l’ impression de ne pas avoir fait œuvre inutile si notre tentative aura permis que la lectrice ou le lecteur soit mieux informé·e sur ce que fut la genèse de ce mouvement social à nul autre pareil. Une sorte photographie à l’ instant T des 5 premières semaines du mouvement, par conséquent.
Ce que sera le film au bout du compte, c’ est ce que les Gilets jaunes en feront eux-mêmes. (...)