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« Les Informés » (France Info) : le triomphe de la communication en huis-clos
Article mis en ligne le 12 septembre 2019
dernière modification le 11 septembre 2019

« France Info, et tout est plus clair » entonne allègrement le jingle de la chaîne publique d’information en continu à chaque interruption des « Informés » [1]. Ce n’est pourtant pas le sentiment que peuvent avoir ses auditeurs et téléspectateurs, chaque soir de 20h à 21h, tant le bavardage et le commentaire vide prennent le pas sur l’information dans cette émission « de débat ».

Et pour les alimenter, des journalistes se disputent les ronds de serviette avec d’obscurs communicants, sortis de nulle part, ou presque : la magie des réseautages propres au petit monde médiatique les propulse quotidiennement au rang d’éditorialistes. Panorama statistique de la compagnie des « informés », qui nous « informent » donc sur la principale – voire l’unique – émission de débat politique disponible sur la chaîne de service public. (...)

Les invités en plateau, généralement au nombre de quatre (parfois plus), balayent de deux à six sujets d’actualité chaque soir : on peine à ne pas d’emblée les comparer aux « fast-thinkers », les tenants du prêt-à-penser critiqués par Pierre Bourdieu.

D’autant que, d’une durée de 55 minutes environ, l’émission subit cinq interruptions, soit une toutes les dix minutes, laissant la place aux « flash infos », eux-mêmes d’une durée moyenne d’1 minute et 20 secondes. Excepté pour la coupure intervenant à la moitié de l’émission, qui s’étend, quant à elle, sur 5 minutes, réparties entre la météo et le journal (3 minutes 40 en moyenne).

Parfaitement indigeste, calqué sur le rythme de l’information immédiate jusqu’à la caricature, le format des « Informés » suscite déjà quelques doutes quant à la qualité du débat mené chaque soir sur France Info.

Une impression que renforce le profil des personnes invitées dans l’émission. (...)

serait-ce surtout le débouché à la fois paroxystique et logique d’une conception de l’information qui domine les émissions de débats depuis un certain temps maintenant ? Une information où l’enquête et le reportage ont cédé leur place au journalisme de commentaire, aux boursicotages inspirés de tel ou tel tweet, et aux spéculations sur les stratégies politiciennes prélevées à la source, captées dans la moindre coulisse des responsables politiques que ces journalistes suivent à la trace.

Un journalisme incarné par des professionnels si proches des cercles de pouvoir – politiques et économiques – que leur métier finit par se confondre avec le métier de ceux dont ils prétendent rendre compte : les communicants d’entreprise, et les communicants politiques. (...)

Il en va de même pour les « universitaires et intellectuels » que nous avons catégorisés comme tels, et qui ont cumulé 32 passages sur la période observée. En effet, loin d’être sollicités en fonction de leur spécialisation – qui pourrait être en lien avec les thèmes d’actualité abordés – ces derniers se joignent plutôt à la cohorte des consultants et spécialistes de la communication. (...)

On l’aura compris : l’information des « informés » se passe allègrement d’enquêtes de terrain et de spécialistes. La distribution de la parole est également à géométrie variable, comme en témoigne la couverture du mouvement des gilets jaunes par l’émission.

Si « Les informés » ont largement traité de ce mouvement social, cette surface ne saurait masquer le constat ahurissant que nous faisons sur un plan qualitatif : alors que l’émission compte à son actif 135 sujets abordant le mouvement, elle n’a reçu sur les six mois observés… qu’une seule gilet jaune [5] ! Et il aura fallu attendre... le 20 mars, date à laquelle fut invitée Ingrid Levavasseur. (...)