
Aux quatre coins de la France, des lieux alternatifs émergent, portés par des personnes qui souhaitent habiter la Terre autrement. La jeune dessinatrice Raphaëlle Macaron et Noël Mamère, mémoire de l’écologie politique, sont allés leur rendre visite et ont rapporté de leur road-trip une BD singulière, Les Terrestres, qui dresse un état des lieux de l’écologie en France, entre effondrement d’un monde et espoir.

« Selon la définition que l’on donne de l’écologie, il n’existe pas du tout les mêmes désirs de transformation de la société », nous disait le chercheur Yann Le Lann. Avec un collectif de sociologue, il a mené une vaste étude, interrogeant plusieurs dizaines de milliers de personnes, sur ce que cela signifie de se dire écologiste à l’heure de la « génération climat ». Parmi les différents profils, il y a celles et ceux « qui considèrent le niveau d’urgence comme maximal ». « Pour eux, il n’y a pas de petite transition, à bas coût : il faut absolument, rapidement et profondément, transformer les principes d’organisation de la société », décrit le chercheur.
« De quelle écologie parle-t-on ? » : la « génération climat » passée à la loupe
C’est à certains d’entre eux que la dessinatrice Raphaëlle Macaron et l’ancien député écologiste Noël Mamère ont consacré une bande dessinée : Les Terrestres. Ces « terrestres », par souci éthique, tentent « d’habiter la terre en harmonie », se distinguant des « terriens », qui eux vivent sans trop prêter attention à l’avenir de la planète. Nous partons donc à la découverte de plusieurs lieux alternatifs – qui ne seront pas inconnus aux lecteurs et lectrices de Basta ! – et des gens qui y habitent : La ZAD de Notre-Dame-des-Landes évidemment, la « matrice » de tous ces lieux ; La Réole, une maison totalement autonome en électricité où une famille a adopté un mode de vie « 100 % recyclable » ; la Ferme légère, dans le Béarn, également très économe en énergie et en eau ; La Bascule, un lieu collectif à Pontivy qui accueille, au cœur de la Bretagne, une soixantaine de jeunes gens en quête de projets ayant du sens, et à Langouët (Ille-et-Vilaine), une commune pionnière en bâti écologique ainsi que dans la lutte contre les pesticides. (...)
« Je n’avais jamais entendu parler de collapsologie ni d’effondrement »
Chaque étape est l’occasion de partager les réactions de la dessinatrice – « une montagne russe d’émotions », nous dit-elle – et d’accompagner sa prise de conscience, guidée par un Noël Mamère prolixe en savoirs et anecdotes. (...)
La BD nous questionne aussi sur notre manière d’appréhender ces alternatives : sont-elles des modèles à suivre, sources d’espoir, ou une mise en retrait du monde ? Le sentiment que l’effort à accomplir est si considérable n’en devient-il pas, aussi, source d’anxiété ? (...)
« Cela ne peut pas être un manuel de bonne conduite écolo adaptable à toutes les catégories »
Sans oublier qu’il faut, le plus souvent, avoir les moyens de mener sa propre transition. « Se permettre d’acheter un terrain, de construire, d’avoir les connaissances théoriques sur les énergies renouvelables, les matériaux, la collecte de l’eau de pluie, etc., cela ne concerne qu’une certaine partie de la population », a observé l’illustratrice. Plutôt diplômé et avec quelques moyens, « même si c’est un peu moins le cas pour la ZAD de Notre-Dame-des-Landes », tel est le profil type de ces personnes. « Cela ne peut pas être un manuel de bonne conduite écolo adaptable à toutes les catégories sociales, à tous les pays. Il n’y aura pas de vraiment de transition écologique sans transition sociale », précise Raphaëlle.