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Les biorégions, une alternative écologique aux régions administratives
Article mis en ligne le 24 juin 2021

Il est possible d’imaginer de nouveaux espaces politiques, plus ancrés et plus habités. Des territoires découpés « non par la législature mais par la nature ». C’est ce que propose la théorie biorégionaliste. Ses tenants rappellent que la question écologique est une affaire d’échelle et de sensibilité au vivant.

Au lendemain du premier tour des élections régionales, le constat est sans appel. Cet échelon administratif et politique n’intéresse plus grand monde. Près de deux tiers des Français et des Françaises se sont abstenus de voter le week-end dernier. Un taux historique [1], alors que les régions sont le terrain par excellence de la transition écologique.

La refonte de 2015, qui a réduit le nombre de régions [2], n’est sûrement pas étrangère à cet état de fait. Elle a accéléré ce sentiment de dépossession. (...)

Il fallait, selon le gouvernement, faire des économies — près de dix milliards d’euros — et créer partout « un choc de simplification ». Les régions étaient rebaptisées : « Grand Est », « Haut de France », etc. Leurs noms, parfois, n’évoquaient plus qu’une position sur une carte, un emplacement géographique. Et désignaient des territoires trop vastes pour avoir une âme.
« Une région gouvernée non par la législature mais par la nature »

Cette course au gigantisme n’a pourtant rien d’une fatalité. Elle est le fruit de politiques libérales qui voient dans les territoires des espaces soumis aux forces du marché, aux flux économiques et à la circulation des capitaux. Cette pensée est devenue hégémonique mais depuis des décennies, à bas bruit, des écologistes essayent de faire émerger d’autres récits. Ils imaginent des modèles d’organisation différents pour renouer avec la réalité terrestre et sortir de l’économicisme. (...)

Avec la crise sanitaire, leur approche a suscité un regain d’intérêt. La pandémie a montré la vulnérabilité de nos espaces politiques et la nécessité d’en inventer de nouveaux, moins artificiels, plus ancrés. Cette idée s’incarne aujourd’hui dans le concept de « biorégion ». Entre cette dernière et les régions administratives, telles qu’elles existent actuellement, il n’y a pas seulement un préfixe mais tout un monde.

Une biorégion, selon l’essayiste américain Kirkpatrick Sale, est « un lieu défini non par les diktats humains mais par les formes de vie, la topographie, le biotope ; une région gouvernée non par la législature mais par la nature ». Chaque biorégion est précisément située, unique et reconnaissable. On y retrouve des espèces animales et végétales spécifiques, un climat dominant, des types de sols caractéristiques autant que des modalités d’installations humaines particulières. (...)

Son échelle emblématique est le bassin-versant. Les biorégions suivent les torrents, les rivières et les fleuves qui apportent avec l’eau la vie et créent une première forme de communauté.
« Réhabilitons notre rivière pour que le saumon sauvage puisse s’y reproduire à nouveau »

La biorégion n’est pas un terroir, souligne cependant le professeur. Elle possède aussi — et c’est ce qui fait sa force — un aspect politique. À l’intérieur de cet espace, ses habitants sont engagés dans une démarche d’enracinement et d’autonomie. (...)

C’est un antidote à l’aménagement capitaliste du territoire, un antidote à sa prédation et à son avidité.

Notre environnement n’est pas inerte, il n’a rien d’un décor, pensent les biorégionalistes. Pour habiter pleinement un lieu, il faut interagir avec lui, comprendre les interdépendances et les lois invisibles qui le portent. « Vivre in situ. » (...)

Pour le poète Gary Snyder, le programme politique d’une biorégion pourrait se résumer à un seul point : « Il s’agit d’essayer de réhabiliter notre rivière de manière que le saumon sauvage puisse s’y reproduire de nouveau », écrit-il. Derrière l’apparente modestie de cette mesure se jouent des implications politiques considérables. (...)

« Nous ne voulons plus être les spectateurs d’un monde qui n’en finit pas de s’effondrer »

Si la théorie des biorégions est née aux États-Unis sur les côtes californiennes, portée par des précurseurs de l’écologie radicale, cette approche a trouvé récemment des émules en France. (...)

Dans un entretien à BFM TV, le 9 juin 2021, le leader de la France insoumise et candidat à l’élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon s’en est lui-même fait l’écho. Il a proposé une réorganisation des régions françaises « pour les faire correspondre aux bassins-versants ». Dans leur livre Propositions pour un retour sur Terre, plusieurs grands noms de l’écologie dont Dominique Bourg et Pablo Servigne ont aussi émis l’idée de remplacer le Sénat par une « Assemblée des biorégions », dotées chacune d’une autonomie. (...)

Mais c’est sûrement au niveau des luttes, sur le terrain, que l’approche biorégionaliste s’épanouit le mieux. Sans être une étiquette ou un marqueur d’identité, elle irrigue les imaginaires. (...)

PETITE BIBLIOGRAPHIE BIORÉGIONALE (...)