
Le problème avec les champignons, c’est que tous ne sont pas bons. Sauf s’ils sont dégustés par le bout de l’objectif. Par une belle journée d’automne, dans le Val d’Oise, Reporterre a accompagné le photographe naturaliste Gérard Blondeau pour une drôle de cueillette photographique.
Au début, on ne voit rien. Le regard s’égare dans un fouillis de glands verdâtres à brunâtres, de feuilles mortes et de petites racines sur fond d’humus. Les narines tentent de déceler l’agréable fumet d’un bolet au milieu des effluves piquants de pourriture végétale. Mais non, toujours pas de champignon. On est sur le point d’abandonner la partie et de lever le nez — qu’elles sont belles ces feuilles jaunes qui tombent doucement au sol comme une pluie dorée — quand la voix de Gérard Blondeau, 70 ans, retentit un peu plus loin : « Tiens, une armillaire couleur de miel ! » Difficile de rivaliser avec les prunelles attentives et l’objectif du photographe naturaliste qui capturent depuis près de quarante ans les formes et les couleurs de la forêt — arbres, insectes, oiseaux, plantes et champignons. (...)
Avant le départ, Gérard Blondeau rappelle quelques fondamentaux. D’abord, ce qu’on appelle « champignon » n’est que son sporophore (les mots compliqués poussent en mycologie comme les mousserons après la pluie). C’est-à-dire son fruit, visible à l’automne quand les conditions de chaleur et d’humidité sont optimales. Cette forme spécifique — parfois un pied coiffé d’un chapeau, mais pas toujours — est le dernier stade du mycélium, sorte de filaments blancs invisibles à l’œil nu. « Ce mycélium se développe et s’étend, ce qui explique qu’on trouve parfois des champignons qui poussent en cercle — les fameux ronds de sorcière, décrit le photographe. Sur certaines photos aériennes, on voit des cercles qui peuvent faire plusieurs kilomètres de diamètre ! » (...)