
Après les différents contrats mirifiques de matériels de guerre signés avec l’Arabie Saoudite, l’Egypte, le Qatar et l’Inde, c’est maintenant au tour de l’Australie de passer une méga- commande de sous-marins pour un montant de plus de trente milliards d’euros et de participer ainsi au regain d’activité de notre industrie d’armement et au rebond de la croissance française. Nos armes se vendent bien et font paraît-il la démonstration de leur efficacité sur toutes les zones de guerre, notamment sur les terrains du Proche-Orient. L’Arabie Saoudite ne tarit pas d’éloges sur le char Leclerc qu’elle utilise pour mâter la rébellion houthiste au Yemen. Les dirigeants, intermédiaires et militaires de haut rang de tous les émirats et royaumes de la région qui négocient ces livraisons sont des clients comblés et choyés : ils apprécient le « made in France » mais aussi, certainement, toutes les commissions, gratifications (la légion d’honneur a été attribuée récemment au prince héritier d’Arabie Saoudite) et prébendes diverses qui accompagnent ce genre de transactions très peu transparentes. La France socialiste, comme son grand allié les USA, le premier exportateur d’armes de la planète, commerce avec les régimes les plus exécrables et fait le choix de prospérer sur la misère du monde. Et tant pis pour les morts qui seront faits là-bas avec l’efficacité de la technologie française, ils sont bien loin et ne sont pas consultés sur la qualité du matériel.
Si « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage », les tensions d’un monde en compétition pour ses ressources, en lutte parfois pour sa simple survie, portent notre capitalisme industriel dont les industries d’armement constituent un secteur florissant et stratégique. Depuis l’arrivée de François Hollande à l’Elysée et de Jean-Yves Le Drian au ministère de la Défense, nos ventes d’armes suivent une courbe exponentielle ( elles ont été multipliées par 4 depuis 2012). Jean-Yves le Drian mouille la chemise pour faire le plus de chiffre possible, son père était vendeur de pièces détachées ; la tradition familiale se perpétue en quelque sorte.
L’arme, évaluée à l’aune de son impact sur la courbe du chômage, est plus que jamais, en France, un objet de développement économique et social, vecteur de progrès technologique, et qui réussit même la prouesse de s’inscrire dans le cadre du développement durable. Sur le site de la DCNS, en charge de la fabrication des futurs sous-marins australiens, figure cette phrase magnifique, en forme de profession de foi : « Convaincu que la mer est l’avenir de la planète, DCNS invente des solutions de haute technologie pour la sécuriser et la valoriser durablement. Entreprise de haute technologie et d’envergure internationale, DCNS répond aux besoins de ses clients grâce à ses savoir-faire exceptionnels et ses moyens industriels uniques ».
Chez Thalès, chez Dassault, ou bien encore à la DCNS, les ingénieurs et ouvriers qui conçoivent et fabriquent les systèmes d’armes sont probablement aussi fiers de leurs travaux que l’étaient les concepteurs américains de « Little boy », la bombe larguée au-dessus d’ Hiroshima. Pour ces travailleurs, les commandes récentes représentent avant tout des emplois sécurisés, des promesses d’embauche, la possibilité de mettre en œuvre et de développer leurs compétences, du lien social ; il leur est bien difficile de bouder leur plaisir. Les vrais responsables sont ailleurs : nos décideurs politiques qui font le choix de développer l’industrie de l’armement à tout-va devraient savoir, eux, que les milliards d’euros de contrats passés avec l’Arabie Saoudite, le Qatar, l’Egypte, etc . . . ne sont pas seulement des emplois et des devises en puissance mais aussi des engins de mort qui exploseront tôt ou tard à la figure de populations civiles innocentes, écrabouilleront des maisons, pulvériseront des enfants, et qu’en retour des religieux fanatiques se chargeront de convaincre des esprits fragiles d’aller porter la mort dans des salles de concert ou des brasseries parisiennes.
Tirer gloriole de ces contrats est non seulement indécent mais totalement irresponsable et destructeur d’avenir. Une fuite en avant dans ce secteur mortifère ne peut au bout du compte que contribuer à répandre un peu plus la terreur et la soumission à un ordre injuste.