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Le Monde
« Les employeurs aiment les sans-papiers parce qu’ils ne peuvent pas réclamer leurs droits »
#sans-papiers #exploitation
Article mis en ligne le 14 novembre 2022
dernière modification le 13 novembre 2022

Ils sont manœuvre, plongeur, nounou ou femme de ménage. Ils travaillent sans fiche de paie, parfois depuis des années et témoignent de leurs difficultés et de leurs aspirations, alors qu’ils espèrent bénéficier de l’assouplissement des règles pour les métiers dits « en tension ».

Ousmane Bangoura voudrait que les Français sachent. Qu’il se « fracasse » sur les chantiers, qu’il rentre parfois chez lui le soir « les bras enflés par la douleur », qu’il « contribue à construire » la France. « J’entends dire qu’on ne connaît pas les valeurs ou qu’on est au chômage, rapporte ce Guinéen de 27 ans, sans-papiers. Mais moi, je suis venu pour bosser. » (...)

Depuis qu’il est arrivé, en 2017, Ousmane a toujours travaillé, même pendant le confinement. Pourtant, il n’a qu’une feuille de paye, qui correspond à quelques jours dans une usine de tri dans le Maine-et-Loire, en 2019. Autrement, plusieurs patrons lui ont promis de le déclarer mais, aucun n’a tenu parole. « C’est dans leur intérêt, je touche maximum 50 euros par jour », dit-il.

Le jeune homme, rencontré grâce au Centre d’entraide pour les demandeurs d’asile et les réfugiés du Secours catholique, où il est bénévole, se sent à la fois « découragé » et « révolté » de se faire « exploiter sur des chantiers » dans un pays auquel il porte « un amour sincère ». Il ne voit pas comment « sortir du trou » dans lequel sa situation administrative irrégulière le maintient. Faute de fiches de paie, il ne peut pas prétendre à une régularisation. La circulaire Valls de 2012 prévoit la possibilité d’une « admission exceptionnelle au séjour » pour les salariés à condition qu’ils présentent entre huit et vingt-quatre bulletins de paie et une promesse d’embauche, après trois à cinq ans de présence en France.

« Ils profitent de moi »

Le gouvernement a annoncé vouloir assouplir ces règles dans les « métiers en tension », comme le bâtiment, l’agriculture ou la restauration. S’il avait des papiers, Ousmane Bangoura aurait « une vie normale, comme tout le monde ». Il pourrait se loger autrement que dans la chambre qu’il sous-loue 350 euros par mois dans le Val-d’Oise et où les taches d’humidité maculent un coin de plafond. Il pourrait changer de métier. « Quand je vois les annonces de la RATP, ça me fend le cœur », confie cet ancien chauffeur de bus. (...)