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Les esclaves de la Chinatown toscane
Article mis en ligne le 5 décembre 2013

Prato, en Toscane, est la troisième ville chinoise d’Europe. Le 1er décembre, sept employés chinois d’une usine de textile ont péri dans un incendie. Un drame qui met en lumière les conditions de travail auxquelles sont soumis ces esclaves modernes. (...)

Après Londres et Paris, Prato est la troisième ville chinoise en Europe. Les pompiers sont venus de toute la province – Prato est au carrefour de Florence, Lucques, Pistoia et Pise. Ils travaillent d’arrache-pied depuis le petit matin et n’ont pas encore maîtrisé l’incendie. Ils craignent que les gravats cachent d’autres corps.

Des usines incontrôlables

Les victimes n’étaient probablement pas en train de travailler [au moment de l’incendie]. Dans ces entrepôts, on travaille presque tout le temps, mais surtout la nuit. Les ouvriers venaient peut-être de se coucher, après avoir cherché un moyen de se réchauffer. Avec les premières lueurs de décembre sont arrivés le froid et le vent. "Ils travaillent et chargent les camions de nuit, pour éviter les contrôles." Je n’ai pas le temps de demander en quoi, depuis l’invention de l’électricité, les poids lourds passent davantage inaperçus la nuit.

En parlant de contrôles, le maire, les dirigeants de l’agence sanitaire locale et la police expliquent que pratiquement chaque inspection se termine par une mise sous séquestre. Mais ils ont beau faire 300 contrôles, les usines se comptent par milliers et poussent comme des champignons, sans même se préoccuper de ressembler à des usines. Cette fois, le drame s’est produit dans la zone développée, "commerciale", et non parmi les vieux abris de fortune accolés aux fourmilières humaines. Comme quoi, les alcôves funéraires qui servent de dortoirs et les showrooms ne sont pas incompatibles. (...)

je suis arrivé avec le président de la région de Toscane, Enrico Rossi [Parti démocrate, gauche]. Selon lui, cette tragédie, cette humiliation de l’humanité qui se joue tous les jours dans le tristement célèbre district de la confection, "nous en sommes tous responsables". Il entend par là l’administration, l’Etat. (...)

. La communauté chinoise était comme invisible. Mais pour qu’un élément soit invisible, il faut aussi que des personnes, au moins la moitié, ferment les yeux. (...)

Une Chine qui travaille quinze ou seize heures par jour dans le meilleur des cas, qui est payée pour produire des vestes d’une valeur de 19 euros mais qui seront vendues à 100 ou 200 euros aux consommateurs européens du prêt-à-porter.

Ce réseau de production et de distribution, cette grande Rosarno [ville des Pouilles connue pour abriter des saisonniers africains] où le textile se substitue aux tomates et aux oranges, s’affranchit en grande partie des lois et des droits italiens. Le racket chinois, fait de menaces et d’extorsions, fournit les services nécessaires : un double régime fiscal en somme. Il y a bien eu quelques actions répressives, mais les méthodes policières, pour être efficaces, conduiraient à l’arrestation de l’ensemble de la population chinoise de Prato. Une folie. (...)

Un secteur fondé sur l’esclavage

La réintégration du travail illégal permettrait en revanche quelques avancées élémentaires, comme un toit et une dignité pour les travailleurs, ainsi qu’une économie qui ne serait plus fondée sur l’esclavage. Pour cela, l’Etat italien doit intervenir. (...)

Le drame d’hier est un petit Lampedusa. Il a braqué les projecteurs sur la Chine de Prato. Dommage qu’il s’agisse de la lumière d’un incendie.