A dix jours de l’élection européenne, nous poursuivons la discussion avec les candidats se référant à l’écologie. Une autre Europe est-elle possible ? Après José Bové, Corinne Lepage expose sa vision.
Reporterre - Comment expliquez-vous l’hostilité ou en tout cas le « désamour » en France à l’égard de l’Europe ?
Corinne Lepage - Toutes les difficultés que nous rencontrons - chômage, perte de sens, difficultés du vivre ensemble – sont mises sur le dos de l’Europe. Ensuite, je dirai que c’est un amour déçu plutôt qu’un « désamour ». Les Français attendent beaucoup de l’Europe et continuent à en attendre beaucoup. Par exemple, sur la crise ukrainienne, les sondages montrent que plus de 60 % des gens aimeraient que l’Europe ait une position commune plus forte. Et puis, c’est l’histoire du verre à moitié vide et du verre à moitié plein : un sondage qu’on m’a présenté hier indique que 34 % des personnes interrogées trouvent que l’Europe « apporte quelque chose à la France », 27 % –donc beaucoup moins – jugent que la France « perd quelque chose avec l’Europe ». Et les autres pensent que c’est « équivalent ». Mais une des raisons de ce « désamour » est la faiblesse des institutions européennes et singulièrement de la Commission.
En fait, quand on parle de l’Europe, on pense surtout aux institutions européennes et à la Commission de Bruxelles. Le désaveu n’est-il pas plutôt lié au fait que cette Commission européenne suit une politique néo-libérale ?
Oui et non. J’ai voté contre Baroso, me suis bagarré contre les lobbies, ai voté contre les textes que proposait la Commission sur beaucoup de sujets économiques. Baroso a été un président de Commission en deçà du minimum souhaitable, indépendamment même des orientations néo-libérales. La meilleure chose qu’on puisse lui souhaiter c’est que l’histoire l’oublie. (...)
Croissance ?
Je suis une adepte du développement, pas de la croissance. Notre modèle doit être entièrement repensé. Pour que disparaissent certains types d’activité, et que se créent d’autres activités toujours fondées sur une utilisation la plus sobre possible des ressources disponibles. D’où l’intérêt de l’économie circulaire, de la réutilisation, de la sobriété énergétique. Mais je crois qu’il ne faut pas assimiler cela à de la décroissance. (...)
La crainte que j’ai est que dans le prochain Parlement, on ait une forte poussée des populistes. En Angleterre, le parti d’extrême-droit, l’UKIP, est crédité de 30 % ! Il y aurait une poussée de ce courant en France, aux Pays Bas, en Autriche. Cela empêcherait l’Europe d’avancer. Cela veut dire que sur un certain nombre de sujets, la droite et l’extrême-droite pourront se retrouver. Les listes que nous présentons, « Europe Citoyenne », ne sont conduites que par des femmes : ce n’est pas un hasard, c’est une volonté. J’ai constaté depuis un an et demi que les droits de la femme faisaient l’objet d’une régression au Parlement européen, sur des textes où droite et extrême-droite ont voté ensemble. Si droite et extrême-droite votent ensemble, ils risquent d’être majoritaires.
Face à ce péril, pourquoi faites-vous une liste indépendante plutôt que de s’unir avec EELV ou la Nouvelle Donne de Pierre Larrouturou ? (...)