
Décidément, Amazon ne se conjugue pas très bien avec George Orwell : en 2009, la firme supprimait sans prévenir des milliers d’exemplaires de 1984, version Kindle, des appareils pour des raisons de copyright. 5 ans plus tard, en plein conflit avec Hachette, les communicants ont voulu utiliser une citation de l’écrivain britannique, pour faire valoir leur point de vue sur le livre numérique... Mal leur en a pris.
(...) La majeure partie de l’argumentaire du marchand reposait sur une citation empruntée à George Orwell, l’auteur de 1984 et La ferme des animaux : l’écrivain décrivait la qualité des éditions papier de l’éditeur Penguin, avant de souligner, sur un ton ironique, que « les autres éditeurs feraient bien de s’allier pour parer à cette concurrence ».
Amazon ne conservait que la citation, et faisait passer Orwell pour un opposant aux livres de poche, mettant en parallèle son soi-disant état d’esprit avec celui de Hachette. Cependant, de nombreux observateurs avaient dénoncé une utilisation malhonnête, d’une citation tronquée. ActuaLitté est revenu dans de nombreux articles sur le parallèle - erroné - entre le livre de poche et le livre numérique. (...)
Bill Hamilton, agent littéraire chez AM Health et représentant des héritiers de George Orwell, a écrit au New York Times pour faire part de leur propre perception de la façon dont Amazon avait convoqué l’écrivain. « Amazon utilise le nom de George Orwell en vain », assure-t-il. À défaut de l’Éternel, le site s’est rendu coupable d’une belle réécriture de l’Histoire, estime Hamilton.
« Ce comportement est le plus proche possible de celui du Ministère de la Vérité [ou Miniver, organe de propagande d’Océania, NdR] et de sa doublepensée : tordre les faits dans tous les sens pour en tirer un discours de propagande », écrit Bill Hamilton.
Dans le dernier paragraphe de sa courte missive, le représentant se fait encore plus impitoyable (...)
« Même Orwell n’aurait jamais pu imaginer une telle situation. Amazon est une sorte de pieuvre géante, prête à tout croquer, et si Hachette résiste, c’est que la vieille marque scolaire est la seule à être suffisamment solide pour s’engager dans un bras de fer avec ce nouveau trust aux méthodes brutales et cyniques », nous assurait cette semaine Olivier Bessard-Banquy, professeur des universités et spécialiste de l’édition contemporaine. Il faut croire que la réalité dépasse en effet la fiction...
Jean Seaton, la directrice du Prix Orwell, a qualifié le détournement d’Orwell de « honteux ». « Orwell, même avant de disposer d’économies conséquentes, en a donné beaucoup aux pauvres, aux plus jeunes et aux auteurs en difficulté », rappelle-t-elle. Toute la communication d’Amazon vise à l’établissement d’un monopole, aussi bien économique qu’idéologique, a-t-elle déploré.
Il ne reste plus au cybermarchand qu’à faire disparaître sa lettre de tous les sites Internet...