
L’association marocaine Racines, qui œuvre « pour l’intégration de la culture dans les politiques publiques de développement humain, social et économique », et animée par des militants de la solidarité internationale, a été dissoute le 26 décembre par une décision du tribunal de première instance de Casablanca, sur demande du ministère de l’Intérieur marocain. « La lecture du jugement trahit le parti pris du ministère de l’Intérieur de mettre fin à nos activités, sous le faux prétexte qu’elles sont hors de nos statuts », a réagi l’association. Depuis 2011, la nouvelle constitution marocaine garantit en principe « les libertés de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes ses formes ». Cette constitution souligne également le rôle essentiel des associations en tant qu’espace de médiation entre l’État et la société, afin de consolider la démocratie et de promouvoir l’engagement civique chez les citoyens marocains.
« Un message glaçant aux journalistes et commentateurs critiques »
L’association Racines défend le principe de la culture comme pratique militante pour l’émancipation des citoyens, et développe des programmes dans les douze régions du Maroc. Elle accompagne des ONG partenaires dans l’élaboration de politiques culturelles utiles au développement dans plusieurs pays : Rwanda, Liban, Égypte, Tunisie, Mauritanie, Gabon et Mali. « Parce qu’une des conditions de notre activité est la liberté d’expression, cette décision judiciaire est inquiétante à plusieurs égards, écrit l’association. Elle laisse augurer des lendemains incertains pour les associations marocaines, suivant davantage une voie sécuritaire et liberticide, au détriment des valeurs universelles de libertés fondamentales et d’émancipation des citoyens, présentes dans la constitution marocaine et dans les traités internationaux ratifiés par le Maroc. Elle agit comme une épée de Damoclès sur la liberté associative au Maroc, mettant en évidence les contradictions entre le discours dominant et la réalité du terrain. Racines ne comprend pas, par ailleurs, ce combat d’arrière garde, alors qu’elle agit dans le sens de l’éveil de l’esprit critique citoyen contre les obscurantismes et les radicalismes, et pour la construction démocratique du Maroc. »
L’ONG Human Rights Watch (HRW) dénonce cette dissolution, qui s’apparente à une suspension en bonne et due forme de la liberté d’association et de la liberté d’expression. (...)
Dégradation des droits humains au Maroc
La liberté d’association et d’expression est de plus en plus mises à mal au Maroc, après l’ouverture de 2011 [1]. « Des journalistes et des manifestants appelant à la justice sociale et au respect des droits politiques ont été emprisonnés, souvent à l’issue de procès iniques », écrivait Amnesty international au sujet du Maroc dans son dernier rapport annuel. Les manifestations sociales de la région du Rif ont aussi été particulièrement réprimées par le pouvoir. (...)
L’association Racines a fait appel du jugement de sa dissolution, qu’elle considère comme injuste et injustifié. L’association « ira jusqu’au bout de toutes les procédures juridiques possibles pour annuler ce jugement. Elle continuera de militer pour la liberté d’expression, la citoyenneté, l’émancipation et la diversité culturelle. »
– Une campagne internationale de soutien s’organise pour faire revenir le gouvernement marocain sur cette décision. Les signatures sont à envoyer à l’adresse suivante : lorna chez echanges-partenariats.org