Depuis 4 ans, le Reuters Institute for the Study of Journalism livre son rapport annuel qui permet d’évaluer, à l’échelle mondiale, l’appréhension, l’accès et l’usage des populations en matière d’information. Après une segmentation optimale de l’échantillon sondé – représentatif des usages globaux de chaque pays étudié –, c’est finalement plus de 20 000 personnes qui jouent le jeu du question/réponse dans 12 pays aux usages informationnels diversifiés .
Smartphones et tablettes, vers une globalisation ?
Sans surprise, l’Institut constate cette année une nette augmentation de l’influence des smartphones et des plateformes 2.0. en ce qui concerne l’accès à l’information. Facebook (41%), Youtube (18%) et Twitter (11%) sont d’ailleurs les médias sociaux les plus utilisés lorsque les sondés cherchent à s’informer. Cette finalité reste toutefois secondaire sur Facebook contrairement à Twitter et ses 140 caractères.
L’utilisation des smartphones progresse dans les 12 pays étudiés et 46% des sondés déclarent consulter les informations au moins une fois par semaine via leur téléphone. Ce dispositif s’érige même, pour un quart d’entre eux, comme le principal relais vers l’information. (...)
le recours croissant aux smartphones et tablettes tendra à supplanter l’ordinateur dans les années à venir. La mobilité et le confort, de plus en plus optimaux, qu’offrent ces nouveaux supports pourraient effectivement séduire un nombre toujours plus important d’adeptes.
Les graphiques qui alimentent le dossier témoignent aussi de l’influence des nouvelles générations dans la mutation et l’expansion des médias informationnels. En ce sens, 60% des jeunes (18-24 ans) s’informent via leur téléphone, tablette ou ordinateur. Le graphique montre surtout que plus les sondés sont âgés, plus leurs consultations en ligne sont faibles. Cependant, les chiffres de la télévision compensent parfaitement cet écart générationnel. En effet, quand seulement 27% des jeunes s’informent via la télévision, 54% des 55 ans et plus restent fidèles à leur poste. (...)
les Finlandais (68%), Brésiliens (62%) et Allemands (60%) considèrent les informations qu’ils consultent comme fiables et crédibles. Les Italiens (35%), Espagnols (34%) et Américains (32%) ferment ce classement avec des chiffres qui laissent transparaître une certaine méfiance quant aux informations mises à leur disposition.
Comment les Français appréhendent-ils l’information ?
Les français sont d’importants consommateurs télévisuels et l’hexagone domine les autres pays dans cette catégorie. (...)
Internet, offrant un accès majoritairement gratuit à l’information, supplante depuis quelques années l’historique presse écrite. Une dynamique qui semble inexorable lorsqu’elle est corrélée au faible pourcentage de personnes prêtes à payer pour avoir accès aux informations en ligne .
Cependant, la progression de la veille informationnelle par les smartphones reflète un intérêt croissant des jeunes pour l’actualité, les statistiques passant de 20% en 2012 à 37% en 2015. Des chiffres qui montrent une évolution marquante et une sensibilité aux nouvelles technologies malgré un retard significatif sur nos voisins scandinaves. Les danois survolent en effet ce classement avec 57% de ses sondés s’informant via leur téléphone. (...)
Cette enquête relève un point essentiel quant à la considération que portent les français à l’égard de l’information. Fait notable, seuls 38% d’entre eux font confiance aux informations qui leurs sont livrées, la France occupant la triste 9e place de ce classement. Pis, notre pays se démarque par le peu d’intérêt que manifestent nos concitoyens à l’égard de l’actualité, offrant ainsi une significative dernière place en matière d’intérêt vis-à-vis de l’info (59% en 2015 contre 64% l’année dernière) quand seulement 10% déclarent en consulter au moins 5 fois par jour . Des chiffres inquiétants qui, une fois de plus, semblent être la conséquence directe de notre dramatique début d’année, alimenté par diverses théories du complot – qui semblent avoir trouvé leur public – et décrédibilisant quelque peu les récits des journalistes hexagonaux. Ces chiffres peuvent également être liés à l’apparition de nombreux sites faussement informationnels et, parfois, propagandistes et conspirationnistes que L’Express rebaptise sites « d’infaux » (Quenelplus, Agenceinfolibre ou Egalité et Réconciliation parmi tant d’autres ). Les articles qui y sont publiés respectent en apparence les codes du journalisme traditionnel mais, bien souvent, le contenu et/ou l’angle ne correspondent pas à la rigueur déontologique attendue d’un journaliste professionnel. La multiplication des canaux de diffusion de l’information élargi l’audience jusqu’à toucher des individus qui y étaient auparavant insensibles. Mais Internet regorge de titres faussement journalistiques et cette expansion du traitement informationnel offre une place de choix aux contenus calomnieux émanant de sources hybrides – et bien souvent inconnues – aux intentions aussi populistes et intellectuellement nocives qu’aux résultats potentiellement pervers, orientant alors le lecteur assidu vers un belliqueux obscurantisme.
Sur Internet d’ailleurs, les français ont tendance à rechercher eux-mêmes l’information via les moteurs de recherche (40%) quand les sondés restants ont pour habitude de s’informer en consultant des sites spécialisés (27%), les réseaux sociaux (21%), les newsletters (21%) ou les alertes mobiles (14%). Peu friands des celebrity news (9%), les infos qui intéressent le plus les français sont celles qui concernent directement leur pays (65% pour les infos généralistes, 46% pour notre actualité politique et 40% pour l’actualité régionale), même s’ils ne délaissent pas l’actualité internationale (59%) et dans une moindre mesure, l’actualité économique (32%). (...)
Les médias informationnels repensent leur stratégie en s’installant progressivement sur de nouvelles plateformes, tentant ainsi de survivre face à la démocratisation de ces outils. Le constat expéditif qui domine la conscience collective est le suivant : le web prend progressivement le pas sur des canaux historiques qui se dirigent, au rythme du vieillissement des générations, vers une inexorable obsolescence. L’histoire démontre néanmoins une capacité d’adaptation et de mutation des supports qui, à l’instar de la radio, parviennent à coexister dans de nouvelles proportions, à travers des fonctionnalités adaptées aux évolutions techniques et, par extension, à l’expansion du champ des possibles en matière d’édition et de diffusion de l’information.