Un document révèle le lobbying mené actuellement par les grandes entreprises françaises auprès de la Commission, notamment du secteur automobile, pour reporter ou annuler toute régulation européenne en matière climatique ou écologique. Bien loin de l’image verte qu’elles tentent de se donner dans les médias.
Les dirigeants des entreprises multinationales françaises Renault, L’Oréal, Danone, Saint Gobain, Nestlé, Engie et Suez viennent de signer une tribune dans Le Monde et plusieurs médias européens, aux côtés notamment de Pascal Canfin (député européen LREM, ex-écologiste), Laurent Berger (secrétaire général de la CFDT), Elisabeth Borne (ministre de la Transition écologique) ou encore Yannick Jadot (député européen écologiste), appelant à mettre en œuvre des « investissements pour la relance verte et la biodiversité », qui doivent « servir d’accélérateurs de la transition vers la neutralité climatique et des écosystèmes sains ».
Au même moment, ces mêmes entreprises multinationales, et de nombreuses autres, regroupées au sein de l’Association française des entreprises privées (AFEP) [1], font du lobbying auprès de la Commission européenne pour obtenir le report ou l’annulation de nombreuses initiatives de transition écologique que la Commission envisageait de mettre en œuvre dans le cadre du Pacte vert européen. Ce « Green deal européen » a pour ambition d’orienter l’ensemble des politiques publiques européennes vers la lutte contre le réchauffement climatique. Il est d’ailleurs présenté par les auteurs de la tribune comme ayant « le potentiel pour reconstruire notre économie sur la base d’un nouveau modèle de prospérité ».
Aides publiques aux gros pollueurs jugées « indispensables »
Rendu public par le média Contexte, le document de l’AFEP est pourtant très clair : au nom de l’urgence économique, les dirigeants des multinationales françaises proposent tout simplement de reporter de plusieurs mois ou années toute nouvelle régulation européenne en matière écologique ou climatique. (...)
Même demande sur le nouveau plan d’action sur l’économie circulaire (pour limiter les déchets et l’obsolescence des produits ou favoriser le recyclage et les filières courtes).
Plus explicite encore : alors que la Commission envisage de se doter d’objectifs de réduction d’émission de GES plus ambitieux à l’horizon 2030, l’AFEP préconise de prendre le temps « d’une analyse d’impact approfondie » qui ne serait rendue publique qu’en 2021. Les dirigeants des multinationales françaises veulent reporter aussi longtemps que possible toute augmentation de l’ambition climatique européenne. (...)
Enfin, l’AFEP demande à la Commission européenne de « traiter en priorité la question du maintien des quotas gratuits et des aides d’État » : les industriels français veulent continuer à bénéficier de subventions pour payer la taxe carbone bien moins cher que les ménages français, ce qui revient à les subventionner lorsqu’ils rejettent des émissions de GES dans l’atmosphère. Ces aides publiques aux gros pollueurs sont jugées « indispensables pour une partie de l’industrie ». (...)
Accélérer les mesures économiques qui renforcent les intérêts des multinationales (...)
En résumé, l’AFEP veut que Bruxelles préserve ou renforce les positions et intérêts des multinationales, sans prendre des mesures climatiques qui pourraient les indisposer.
Bien moins connue que le Medef, l’AFEP est pourtant le grand lobby des grandes entreprises françaises. Elle réunit presque tous les patrons du CAC 40 et de grandes entreprises étrangères ayant une présence importante en France. (...)
Tout récemment, elle a obtenu de Bruno Le Maire et de l’exécutif français qu’ils ne légifèrent pas sur l’interdiction des dividendes comme cela avait été évoqué par le gouvernement. Plusieurs de ses membres éminents, notamment le groupe L’Oréal dont le PDG Jean-Paul Agon est signataire de la tribune initiée par Pascal Canfin, et Plastic Omnium dont le PDG Laurent Burelle préside l’AFEP, prévoient toujours de verser de jolis pactoles à leurs actionnaires. A l’intérêt général, les membres de l’AFEP semblent décidément préférer choyer leurs actionnaires.