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Les outils de surveillance utilisés contre le Covid-19 lui survivront
/ Korii
Article mis en ligne le 26 mars 2020

Milo Hsieh, journaliste basé à Taïwan, a eu la mauvaise idée d’oublier de charger son téléphone portable durant sa quarantaine. À 7h30 du matin, le portable s’est éteint. Cinquante minutes plus tard, la police frappait à sa porte.

Sur l’île, les autorités géolocalisent les personnes en quarantaine grâce à leurs téléphones portables, pour s’assurer qu’elles ne sortent pas de chez elles. Toute anomalie déclenche une alerte.

À Singapour, pour faire respecter la quarantaine, les autorités envoient plusieurs SMS par jour aux habitant·es en leur demandant de partager leurs coordonnées GPS.

Par ailleurs, l’ensemble de la population a été invitée à télécharger une application baptisée TraceTogether. Celle-ci a accès à l’ensemble des contacts du téléphone et active le Bluetooth.

L’application enregistre les contacts entre les personnes. Si quelqu’un contracte le coronavirus, toutes ses interactions seront ainsi connues. Cela permet de faire du « contact tracing » –retracer tous les contacts d’une personne contaminée sur les quinze derniers jours– beaucoup plus facilement et sûrement. Il est donc important que le bénéfice en matière de santé publique apporté par chacune de ces technologies soit mis en balance avec son impact sur les libertés publiques. Une surveillance généralisée porterait une atteinte inacceptable à nos droits sans forcément garantir notre sécurité. (...)

En Corée du Sud, des technologies intrusives sont aussi utilisées pour suivre la progression de la maladie au sein de la population et faire respecter les quarantaines.
En Occident aussi

La tolérance à la surveillance semble plus importante dans les démocraties asiatiques –à l’exception peut-être de Hong Kong– que dans les pays européens. Certaines solutions technologiques qui y sont mises en œuvre seraient plus difficilement acceptées dans l’UE. Néanmoins, des formes similaires de surveillance pointent déjà le bout de leur nez en Europe et aux États-Unis.

Dans une tribune publiée sur Fast Company, deux chercheurs ont appelé les pays occidentaux à utiliser la géolocalisation des téléphones portables pour combattre l’épidémie.

En France, un amendement déposé par deux sénateurs LR le 19 mars proposait que « toute mesure visant à permettre la collecte et le traitement de données de santé et de localisation [soit] autorisée pendant une durée de six mois ». Il a été rejeté. Quelques jours plus tard, l’Élysée faisait pourtant l’annonce suivante.(...)

« Effet cliquet »

Il est probable que certaines de ces technologies de surveillance puissent aider à combattre la pandémie. L’utilisation des données de localisation des téléphones est un moyen très efficace de faire du « contact tracing ».

Toute solution technologique permettant de s’assurer que la quarantaine est respectée est utile. Des caméras thermiques pourraient permettre d’alerter dès les premiers signes de recrudescence de l’épidémie. Le problème, c’est qu’il sera difficile de revenir en arrière une fois l’épidémie passée.

« Le consensus scientifique qui se dégage, c’est qu’il faut tester massivement et tracer –c’est la stratégie sud-coréenne en quelque sorte, qui est très intrusive. Cette pandémie anesthésie encore un peu plus notre vigilance vis-à-vis des dispositifs menaçant les libertés. L’affrontement classique entre les défenseurs des libertés et les gouvernements qui les rognent vole un peu en éclats. On est face à un dilemme éthique incroyable, il va falloir trouver le bon équilibre », analyse Olivier Tesquet, journaliste à Télérama et auteur de À la trace – Enquête sur les nouveaux territoires de la surveillance (Premier Parallèle, 2020).

Si l’on installe des caméras thermiques dans les aéroports et les gares, elles risquent de rester indéfinement pour rentabiliser le coût de l’investissement.

Les dispositifs techniques sont une forme de fuite en avant. L’exception devient en quelque sorte la norme.(...)

Il est donc important que le bénéfice en matière de santé publique apporté par chacune de ces technologies soit mis en balance avec son impact sur les libertés publiques. Une surveillance généralisée porterait une atteinte inacceptable à nos droits sans forcément garantir notre sécurité.