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Les petits patrons français en grand danger de burn-out
Article mis en ligne le 14 avril 2021

« Je n’en peux plus. » Ludivine Cuchor, propriétaire du bar Le Fleuron, à Rouen, ne voit plus le bout du tunnel. Cette mère célibataire de trois enfants a racheté son commerce un mois avant le premier confinement. Depuis, la succession des mesures sanitaires lui a fait accumuler les dettes auprès des fournisseurs, les factures et les loyers impayés. Son profil ayant longtemps été inéligible aux aides de l’État, elle enchaîne les petits boulots au noir pour subvenir aux besoins de sa famille.

Selon la nouvelle enquête de l’observatoire Amarok et de la fondation MMA, la fatigue professionnelle des petits patrons français a presque doublé depuis mars 2019. Avant la crise sanitaire, le nombre de dirigeants de PME qui commençaient à présenter un risque d’épuisement professionnel était de 17,5%. Lors du premier confinement, en avril 2020, cette proportion est passée à 34,65%. Et le mois dernier, 36,77% des gérants ont déclaré traverser une mauvaise passe. Les chiffres concernant « l’épuisement professionnel sévère » de ces chefs d’entreprise sont tout aussi impressionnants. En 2019, seuls 1,75% se trouvaient dans une situation critique. Aujourd’hui, ils sont 10,41% à être au bord du burn-out[1].
Un syndrome inédit provoqué par la pandémie

En cause, principalement, l’émergence d’un « syndrome d’impuissance », défini par Olivier Torrès, professeur d’économie des petites et moyennes entreprises à l’université de Montpellier et fondateur de l’observatoire Amarok. (...)

Paradoxalement, le fait de moins travailler ou de ne pas travailler du tout à cause des restrictions sanitaires épuise les dirigeants de PME. Depuis plus d’un an, leurs angoisses financières les empêchent de dormir, ajoutant de la fatigue physique à l’usure psychologique. La perspective de ne rien faire, pour des personnes traditionnellement hyperactives et ancrées dans l’action, est aussi dévastatrice, tout comme la sensation d’être mises au ban de la société par le gouvernement.

Pour beaucoup, dont la réussite professionnelle est indissociable de la réussite personnelle, l’échec culpabilise et contamine la sphère privée, même si la crise sanitaire n’est absolument pas de leur fait.

Certains petits patrons associent même l’idée de déposer le bilan à leur propre mort, d’où un risque de burn-out et de suicide particulièrement aigu au sein de cette population. « En une semaine, cinq professionnels de la restauration ou des gérants de bar que je connaissais se sont suicidés », témoigne encore Ludivine Cuchor.

Irritabilité, isolement social, problèmes de sommeil, prise de poids, perte de sens et d’envie, difficultés de concentration, oublis, culpabilité, ruminations, baisse de l’estime de soi, incapacité à réaliser certaines tâches simples ou à profiter des petits plaisirs de la vie… Tout changement de comportement doit conduire à demander de l’aide auprès de son médecin traitant ou d’un psychiatre –les consultations sont remboursées par la sécurité sociale, sauf dépassements d’honoraires. Un numéro vert (0 805 65 50 50) est également ouvert tous les jours de 8h à 20h, afin d’orienter gratuitement les gérants en détresse vers des psychologues[2]. Les tribunaux de commerce peuvent aussi fournir de précieux conseils pratiques pour permettre à l’entreprise de tenir le temps de la crise. Enfin, des conseillers économiques sont mobilisables au sein des Chambres de commerce et d’industrie (CCI), des Chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), de l’Urssaf et du Trésor public.

L’idée est de ne pas attendre d’être au bout du rouleau pour demander de l’aide, même si c’est contre-nature pour les hommes et femmes porteurs de responsabilités. (...)