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Les projets du Président Macron pour les médias et l’audiovisuel public
Article mis en ligne le 19 mai 2017

À lire son programme, le désormais Président Macron, qui, il est vrai, n’eut pas trop à se plaindre du traitement qu’ils lui ont réservé depuis plus d’un an, considère apparemment les médias comme un sujet mineur. Nous l’avions noté en recensant les mesures concernant les médias dans les programmes des différents candidats : regroupées dans le septième et dernier point d’un vaste chapitre fourre-tout consacré à « la culture », au nombre de quatre, les propositions officielles d’Emmanuel Macron en la matière sont à la fois pauvres et floues. Ce qui ne les empêche pas d’être inquiétantes.

L’intitulé du septième objectif du candidat Macron dans le domaine culturel, « Protéger l’indépendance éditoriale des médias d’information et conforter les médias de service public », est aussi prometteur que… retors. En effet, dans la novlangue macrono-libérale, les verbes « protéger » et « conforter » prennent un sens très particulier.

 Première proposition, « Créer un nouveau statut de l’entreprise de presse, sur le modèle des trusts anglo-saxons pour garantir l’indépendance éditoriale et journalistique ».

Ce projet de « création » ne prend sens qu’au regard du diagnostic qui l’inspire : « Aujourd’hui, la présence d’actionnaires industriels et financiers au capital de groupes de presse est une réponse aux difficultés économiques de la presse. Mais elle est source de soupçons sur la réalité de l’indépendance des rédactions et la liberté de la presse. »

Ainsi, l’invraisemblable concentration des principaux médias français entre les mains d’une poignée d’industriels serait une fatalité économique et ne poserait qu’un problème d’image. La solution proposée ne viserait donc pas à défaire l’emprise financière des oligarques sur les médias, mais à la camoufler derrière un « nouveau statut » juridique. (...)

 Deuxième proposition, « Simplifier la réglementation audiovisuelle en matière de publicité, de financement et de diffusion, pour lever les freins à la croissance de la production et de la diffusion audiovisuelles et préparer le basculement numérique, tout en préservant la diversité culturelle », pour adapter le secteur « à un environnement ouvert et concurrentiel ».

Une proposition qui ne renvoie à aucune mesure précise, mais comporte des mots-clés à même de rassurer tous les libéraux férus de dérèglementation et de concurrence marchande – et d’inquiéter celles et ceux qui considèrent que l’information et la culture ne sont pas des marchandises comme les autres. (...)

 Troisième proposition : « Nous renforcerons le secteur public de l’audiovisuel pour qu’il réponde aux attentes de tous les Français et accélère sa transformation numérique, en concentrant les moyens sur des chaînes moins nombreuses mais pleinement dédiées à leur mission de service public » ;

 Quatrième porposition : « Nous rapprochons les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leurs missions de service public. Leurs conseils d’administration seront plus indépendants et plus ouverts dans sa composition. Ils seront chargés de designer les dirigeants, après appel public à candidatures . »

« Concentrer les moyens sur des chaînes moins nombreuses », rapprocher les sociétés pour « une plus grande efficacité », voilà qui fleure bon, si ce n’est la privatisation d’une ou plusieurs chaînes – démentie (mais faut-il la croire ?) par Corinne Erhel dans l’émission « L’instant M » du 16 mars –, du moins la réorganisation à la hussarde du groupe public.

Une (énième) réorganisation qui risque d’être calquée sur les préconisations contenues dans le rapport « France Télévisions 2020, le chemin de l’ambition » remis au gouvernement (en présence d’Emmanuel Macron) en février 2015. (...)

Marc Schwartz a multiplié les incursions dans le privé : en 2006, il rejoint la banque d’investissement Caylon en tant que directeur adjoint, puis fonde l’année suivante un cabinet de conseil spécialisé dans le secteur public et celui des médias ; entre 2010 et 2012, il intègre le groupe Mazars en tant qu’associé, chargé du conseil au secteur public et aux médias, avant de devenir le responsable mondial du département « secteur public ». Un bien beau parcours qui peut contribuer à éclairer les positions de Marc Schwartz qui a rejoint en avril dernier l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron afin de « coordonner les propositions pour élaborer le programme politique du candidat à la présidentielle en matière de politique culturelle et de communication ».

Et à la lecture du rapport (« France Télévisions 2020, le chemin de l’ambition »), on n’est guère surpris que ce grand commis de l’État ait rejoint En Marche !, tant sa tonalité générale rappelle la logorrhée macronienne : de vagues généralités soutenues par une flopée de mots-valises, marqueurs de l’idéologie de marché – le terme « concurrence » apparaît ainsi 25 fois en 120 pages, ce qui peut surprendre dans un texte consacré à une entreprise publique. (...)

C’est d’abord une logique strictement comptable qui anime le conseiller à la Cour des comptes Marc Schwartz (...)

la philosophie devant guider « l’enjeu de transformation » (sic) du groupe public pourrait s’appliquer à toute entreprise privée, quelle que soit le domaine de production, et figurer dans n’importe quel bréviaire du petit réformateur libéral (...)

Quant à la conclusion du rapport, on peut se demander si Marc Schwartz ne s’est pas adonné aux joies de l’écriture automatique pour la rédiger, tant elle est convenue et stéréotypée (...)

si on peut être certain que ne sera pas mis un coup d’arrêt à l’appétence des oligarques pour les entreprises médiatiques, il est bien difficile de dire précisément à quelle sauce France Télévisions sera mangée durant ce quinquennat… Mais il y a tout lieu de redouter que son périmètre se réduise et que son maigre financement stagne. La vigilance s’impose d’ores et déjà. Et la mobilisation s’imposera sans doute bientôt si les recommandations figurant dans le rapport Schwartz sont mises en œuvre. (...)