Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
La Rotative
Les vigiles : visages précaires de la société de surveillance
Article mis en ligne le 8 août 2014
dernière modification le 4 août 2014

Les vigiles sont de plus en plus nombreux dans les supermarchés et autres commerces. Visages exposés d’une société de surveillance en pleine expansion, leurs droits sur les clients mais aussi leur précarité sont méconnus. Revue de questions.

(...) Qui sont ces vigiles ? J’en vois de plus en plus, oui, mais combien sont-ils ? Ils sont pour la plupart issus de ce qu’on appelle poliment des « minorités visibles » : est-ce un hasard ? Que peuvent-ils réellement exiger de moi ? etcetera. Je livre ici quelques éléments de réponse.
Les sociétés de « sécurité privée », parmi lesquelles on trouve les boîtes employant les vigiles, sont de plus en plus nombreuses en France, même si cela ne signifie pas forcément que le nombre d’employés augmente [1]. Pour me documenter je me suis rendue sur le site des voisins de la sécurité publique : le Ministère de l’Intérieur. Les chiffres que je donne ici, rendus publics en 2012, datent de 2011 mais on peut être sûr que la tendance d’alors n’a pas beaucoup varié. En 2011 donc, 9 800 entreprises (500 de plus que l’année précédente soit une croissance de 5,4%) employaient 143 000 salariés dont 88% de vigiles (soit 126 000 personnes). A titre de comparaison, à cette même date, la police nationale employait 145 500 agents. (...)

Ces entreprises, enfin surtout les plus grosses d’entre elles, se partageaient un juteux chiffre d’affaires de 5,3 milliards d’euros dont 72% provenait des activités de surveillance. Enfin, en ce qui concerne les employés, on voit dans les chiffres donnés par le Ministère de l’Intérieur les caractéristiques « classiques » des secteurs à forte précarité : un salariat jeune, peu qualifié, avec un relativement fort pourcentage de temps partiels, et un très fort turnover. (...)

Certains d’entre vous ont sans doute constaté l’importante proportion de vigiles issus de ce que les journalistes appellent poliment les « minorités visibles ». La première raison de cet état de fait est sans aucun doute que pour des postes peu qualifiés, mal rémunérés et pénibles (station debout pendant de longues heures, altercations récurrentes avec des clients), le recrutement s’effectue essentiellement parmi les classes les plus populaires. Mais cette surreprésentation de certaines origines géographiques relève aussi des choix effectués par les sociétés de surveillance. Selon des témoignages concordants de vigiles ou d’anciens vigiles, certaines sociétés pratiquent en effet un recrutement « ethnique ». Elles recrutent prioritairement des hommes noirs, le plus souvent issus d’une immigration récente. Tout cela repose sur une triple logique : racisme, filière de recrutement, exploitabilité maximale. (...)

en recrutant des personnes ayant besoin de travailler pour avoir leur titre de séjour, les boîtes de surveillance s’assurent d’un personnel qui, maintenu dans une situation de faiblesse voire de dépendance, est docile et flexible à merci. Les vigiles sont alors mal placés pour contester le bienfondé des règles qu’on leur demande de faire respecter ou de faire fi de cette consigne. (...)

Dans le but de les décourager de le faire, les entreprises doivent en effet payer une taxe pour embaucher des salariés étrangers (après avoir prouvé leur incapacité à trouver un français compétent) [3]. Certaines boîtes plutôt que de payer, proposent alors un deal à leurs futurs employés : avancer le montant de la taxe, montant qui sera retenu sur les futurs salaires en échange du précieux sésame qui permet d’obtenir un titre de séjour. La dépendance est alors totale, l’obéissance et la malléabilité garanties. (...)

Assurément, s’ils sont une pierre apparente de la société de surveillance, ils se trouvent en bas de son échelle sociale et de responsabilité. Les vrais responsables sont leurs chefs, qu’ils soient ceux des sociétés de surveillance, du supermarché du coin ou de la chaîne nationale. Bien sûr, pour nombre d’imbéciles bornés, précaires ou pas, se retrouver avec un pseudo-statut, un badge et un uniforme suffit à faire un usage zélé et jouissif du micro-pouvoir qu’on vous laisse. Les vigiles ne font pas exception et certains semblent ainsi ravis de faire carrière. Cependant, de cette machine ils ne sont que les ultimes exécutants et si on ne peut jamais être exempté de toute responsabilité dans des actes librement consentis, le niveau de contraintes qui pèse sur eux rend cet exercice difficile. (...)

Contre la surveillance généralisée : refusez qu’on vous contrôle !!

Une fois cela dit, demeure une question : quels sont les droits des vigiles ? Revue de ce qu’ils peuvent, ou non, exiger de vous. (...)

Les vigiles ont le droit de faire des contrôles visuels des sacs (« bagages à main » selon la loi [4]), et ce uniquement dans l’enceinte du bâtiment dont ils ont la garde [5].
La fouille, elle, est soumise au consentement de la personne. S’ils sont autorisés à faire des contrôles visuels, vous pouvez toujours les refuser… la loi ne prévoit aucune sanction en cas de refus. Cependant, si vous refusez le contrôle visuel, ils peuvent vous refuser l’entrée du magasin si et seulement si celui-ci est soumis au plan Vigipirate (il s’agit alors d’un refus de vente dit « légitime »). Dans le cas contraire, vous pourriez protester contre ce refus de vente, le fait de porter un sac n’étant a priori pas un motif légitime. Cependant, aujourd’hui la plupart des magasins sont soumis au plan Vigipirate. Les panneaux à l’entrée des magasins ou aux caisses précisant que le magasin se réserve le droit de fouiller votre sac ou que vous devez présenter votre sac à la caissière n’ont aucune valeur. Un vigile (enfin le magasin qui l’emploie) n’a pas le droit d’exiger que vous laissiez votre sac à la consigne. (...)