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Lettre ouverte à Laurence Bloch, directrice de France Inter
Article mis en ligne le 17 juin 2021

Dans une interview diffusée ce mercredi sur France Inter, l’éditorialiste Franz-Olivier Giesbert a multiplié les attaques mensongères contre Mediapart et son directeur. La SDJ de Mediapart s’indigne que tant de contre-vérités aient pu être proférées sans que leur soit opposée une réplique factuelle.

Madame la directrice,

Dans une interview diffusée sur vos ondes ce mercredi 16 juin 2021, l’éditorialiste Franz-Olivier Giesbert a multiplié les attaques mensongères à l’encontre du travail de la rédaction de Mediapart et de son directeur de publication Edwy Plenel.

La Société des journalistes (SDJ) de Mediapart tient ainsi à s’indigner que tant de contre-vérités, pourtant si facilement démontables, aient pu être proférées dans la matinale la plus écoutée de France sans que leur soit opposée une réplique factuelle. Il en va de notre honneur et de notre réputation. (...)

Il ne nous appartient évidemment pas de nous prononcer sur les choix éditoriaux de France Inter, qui invite qui bon lui semble, quand bon lui semble. Mais nous avons une trop haute estime du service public pour voir cette grande radio dérouler le tapis rouge à des informations fausses et infamantes, alors que le groupe Radio France a fait de la lutte contre les « fake news » une de ses priorités.

À une seule reprise au cours de l’entretien, Nicolas Demorand a simplement déclaré : « l’affaire Cahuzac, l’affaire Bettencourt, l’affaire des passeports diplomatiques d’Alexandre Benalla, l’affaire François De Rugy, ils ont fait leur boulot là non ? » (17min41sec de l’entretien). Le reste du temps, vos journalistes ont laissé le champ libre à Franz-Olivier Giesbert pour enchaîner les contre-vérités.

France Inter a même fait le choix de diffuser sur ses réseaux sociaux (plus d’1,6 million d’abonnés sur Twitter) un passage entier de l’entretien au cours duquel Franz-Olivier Giesbert ment au sujet de Mediapart, sans la moindre contradiction.

Cela est d’autant plus dommageable qu’il était aisément vérifiable que les assertions de Franz-Olivier Giesbert sont fausses.

En voici quelques exemples :

Sur l’affaire Cahuzac, révélée par Mediapart.

Franz-Olivier Giesbert a déclaré ce mercredi matin sur votre antenne : « Sur l’affaire Cahuzac, ils ont pris un risque parce qu’ils n’avaient pas les éléments et ils sont tombés juste, tant mieux pour eux. » (À partir de 17min52).

Les faits (qui n’ont pas été rappelés à l’antenne) : Contrairement à ce qu’a affirmé Franz-Olivier Giesbert, Mediapart ne mène pas des enquêtes au doigt mouillé. Cela est si vrai qu’une radio du groupe Radio France, France Culture, a consacré en octobre 2020 quatre épisodes de son émission “Mécaniques du journalisme” à l’enquête de Mediapart sur les comptes cachés du ministre du budget de l’époque. Chacun jugera.

https://www.franceculture.fr/emissions/mecaniques-du-journalisme/laffaire-cahuzac-14-de-laffaire-woerth-a-laffaire-cahuzac

Sur l’affaire Tapie, au sujet de laquelle Franz-Olivier Giesbert sous-entend qu’il s’agit d’une manipulation de Mediapart.

Franz-Olivier Giesbert a déclaré ce mercredi matin sur votre antenne : « Vous savez quand il y a eu l’arbitrage, dit frauduleux… C’est une histoire de fou. Il est grugé par le Crédit lyonnais pour la vente d’Adidas, où il est grugé de beaucoup, pas seulement 2 milliards. Quand vous regardez les faits, c’est 2 milliards, mais c’est beaucoup plus. Parce que cette société, il l’a vendue soi-disant 2 milliards au Crédit lyonnais, qu’il a acheté lui-même et qu’il a revendu 4 milliards… ». Franz-Olivier Giesbert ajoute : « Je découvre que c’est une énorme arnaque et je suis choqué ». (À partir de 1min53sec).

Les faits (qui n’ont pas été rappelés à l’antenne) : Contrairement à ce qu’a affirmé Franz-Olivier Giesbert, l’arbitrage Adidas-Crédit lyonnais a bel et bien été jugé « frauduleux » par la cour d’appel de Paris par un arrêt du 17 février 2015 (consultable ici) et a donc été à ce titre annulé. Le différend commercial entre Tapie et l’ex-Crédit lyonnais a du même coup été rejugé par la même cour d’appel de Paris, laquelle a rendu le 3 décembre 2015 un autre arrêt (consultable ici) au terme duquel cette juridiction a estimé que Bernard Tapie n’avait pas été floué par cette banque et qu’il devait donc restituer le magot indu de l’arbitrage. Ces deux arrêts sont définitifs, puisque la Cour de cassation a par la suite rejeté les pourvois de Bernard Tapie.

Sur le travail de Mediapart d’une manière générale.

Franz-Olivier Giesbert a déclaré ce mercredi matin sur votre antenne : « Il y a beaucoup de choses qui sont très approximatives. Moi ce que je n’aime pas ce sont les injonctions, l’idée que le journalisme aujourd’hui ça devient, on a une liste, il y a les gentils et les méchants. Gentil Hulot, méchant Tapie. (…) Quand il y a un problème, il faut avoir les deux parties, c’est tellement évident. Et c’est ça qu’on est en train de perdre. » (À partir de 18 min 10 sec).

Les faits (qui n’ont pas été rappelés à l’antenne) : Contrairement à ce qu’a déclaré Franz-Olivier Giesbert, Mediapart n’a jamais constitué de « listes », et encore moins trié des personnalités en « gentils » et « méchants ». Laisser dire le contraire est particulièrement malhonnête et insultant.
Soucieux du respect du contradictoire, Mediapart sollicite toujours les avis des différentes parties dans ses enquêtes.
Nous répondons d’ailleurs devant les tribunaux de tout ce que nous écrivons. Qu’il s’agisse d’abus personnels ou de scandales d’État. Force est de constater, que, comme sous les présidences Sarkozy et Hollande, aucune de nos informations publiées sur le pouvoir en place ne s’est révélée inexacte.
Lire ici : https://www.mediapart.fr/journal/france/131120/mediapart-remporte-le-proces-que-lui-avait-intente-gerald-darmanin?onglet=full

Sur l’affaire Baudis dans Le Monde, dirigé par Edwy Plenel. (...)

Sur l’affaire du Rainbow Warrior, révélée par Edwy Plenel. (...)

Vos journalistes ne pouvaient pas ignorer que cet éditorialiste est un habitué des attaques mensongères à l’encontre de Mediapart, journal ayant multiplié ces dernières années les révélations sur les affaires de Bernard Tapie, employeur de Franz-Olivier Giesbert.

Cette seule situation aurait, à notre sens, dû les inviter à la plus grande vigilance quant à la teneur et la véracité de ses propos nous concernant.