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Lettre ouverte au Président de la République Monsieur le Président, maintenir Assad, c’est soutenir le terrorisme
Article mis en ligne le 8 juillet 2017

Dans Libération est parue lundi 3 juillet une tribune initiée par le Comité Syrie-Europe, après Alep et ce afin de rappeler à Emmanuel Macron ses paroles et ce qu’une Realpolitik digne de ce nom doit être.

Monsieur le président,

Dans une interview récente accordée à huit journaux européens, vous avez rendu public un revirement diplomatique majeur de la France. Vous avez déclaré, à propos de la Syrie : « le vrai aggiornamento que j’ai fait à ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime » [1]. Vous justifiez ce revirement au nom de la lutte contre le terrorisme. C’est une erreur d’analyse majeure qui non seulement affaiblira la France sur la scène internationale mais n’endiguera en aucune manière le terrorisme.

En reconnaissant la légitimité de Bachar el-Assad, alors même que ses crimes sont largement documentés, vous placez la France dans la position d’État complice. Or le peuple français ne vous a pas donné le mandat pour mener cette politique, puisque vous avez fait campagne en défendant des positions contraires. En réponse aux questions des associations franco-syriennes, vous aviez notamment affirmé entre les deux tours de l’élection présidentielle : « Bachar Al-Assad a commis des crimes de guerre contre son peuple. Son maintien au pouvoir ne peut en aucun cas être une solution pour la Syrie. Il n’y aura pas non plus de paix sans justice et donc les responsables des crimes commis, notamment les attaques chimiques, devront en répondre. La France continuera d’agir au Conseil de sécurité en ce sens, malgré l’obstruction systématique d’un des membres permanents » [2]. (...)

Quoi pourtant de plus illégitime qu’un dictateur qui pratique le gazage des populations civiles, l’usage des barils d’explosifs, les exécutions sommaires, le viol collectif des femmes et des enfants, la destruction intentionnelle des hôpitaux et des écoles ? Vous affirmez : « Bachar, ce n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien ». En réalité, Bachar el-Assad n’est pas uniquement l’ennemi du peuple syrien : il est l’ennemi de l’Humanité tout entière. Non seulement du fait de ses crimes contre l’humanité, mais aussi parce qu’il est l’un des premiers responsables de la montée en puissance de Daech qui s’attaque à la France et au reste du monde.

Votre solution n’est pas nouvelle et aligne la diplomatie française sur les positions américaine et russe : au nom de la lutte anti-terroriste, donner un blanc-seing au régime et cautionner l’élimination de la rébellion issue des manifestions pacifiques de 2011. L’échec de cette stratégie engagée par Obama à partir de 2013 est pourtant patent. C’est bien l’abandon de l’insurrection par l’Occident qui a donné à des groupes djihadistes l’occasion de prospérer dans une partie de la Syrie. C’est pourquoi la perpétuation de cette configuration ne laisse d’autre alternative à ceux qui s’opposent au régime que l’exil, la mort ou le rapprochement avec les groupes les plus radicaux. (...)

Il existe des alternatives à Bachar el-Assad en Syrie. L’insurrection issue des groupes qui ont manifesté pacifiquement en 2011 pour la fin de la dictature continue de résister. Daraya, Douma, Alep, Deir ez-Zor, Raqqa, Homs, Deraa, Idleb et bien d’autres villes insurgées ont mis en place leurs propres conseils locaux et ont organisé des élections pour leur gestion. Ce sont ces expériences démocratiques qui constituent le véritable terreau pour que puisse émerger une transition politique.

Quant à lui, par la voix du journal du parti Baath, le régime de Damas a d’ores et déjà instrumentalisé vos propos pour valider sa thèse officielle du complot terroriste fomenté par l’Occident en déclarant : « Après l’échec de tous les paris sur les mouvements terroristes pour porter atteinte à l’État patriotique syrien, après l’échec du complot ourdi par les soutiens du terrorisme et ses créateurs, après le retour du terrorisme à la gorge de ses créateurs, les pays occidentaux commencent à faire volte-face et à changer leur position sur la crise syrienne, afin de trouver une nouvelle posture pour sauver la face » [5]. Cela ne fait que confirmer qu’il n’y a pas de négociation possible avec un tel régime. La seule solution de sortie du conflit en Syrie est politique et doit se faire sans Bachar el-Assad.

Monsieur le président, une Realpolitik digne de ce nom, c’est d’admettre que, s’il n’est pas une condition suffisante pour lutter efficacement contre le terrorisme, le départ de Bachar el-Assad est du moins une condition absolument nécessaire.