
Il est évidemment fréquent que, les journalistes, quand ils ne se bornent par à l’exercer, réfléchissent en privé ou entre eux sur leur métier. Mais il est plus rare qu’un ancien présentateur de journal télévisé – celui d’Arte, en l’occurrence – livre en public un essai critique sur ce genre télévisuel. Ne serait-ce que pour cette raison l’ouvrage de William Irigoyen, Jeter le JT. Réfléchir à 20 heures est-il possible ? [1], mérite d’être lu... d’autant que ses observations coïncident souvent avec les nôtres.
Cet essai, parce qu’il s’agit d’un essai, ne prétend ni faire œuvre de sociologie des médias ni proposer un traité sur le journalisme télévisé, exposant de façon systématique les diverses dimensions du genre. Parce qu’il s’agit de partager une réflexion, elle en suit les détours de façon parfois déconcertante. Ce qui suit n’est donc qu’un résumé partiel de ce que nous avons retenu de notre lecture (en restituant, autant que faire se peut, le découpage du livre, indiqué entre parenthèses.
– Le Journal télévisé est un genre singulier (« Un monde à part », chapitre 1) : son monde est constitué d’abord par le choix des « faits qui font l’actualité » : des faits qui, souvent récoltés dans les agences de presse, qui ne deviennent des « sujets » », voire des événements, que par leur mise en forme. Chaque JT est lui-même mis en scène et certains journalistes y tiennent les premiers rôles. À commencer par le présentateur ou la présentatrice, incarnation du JT quand ce n’est pas de l’information elle-même (« Du présentateur »). À ses côtés, des spécialistes (« Salade d’experts ») dont la qualification et le poids sont très hétérogènes et des envoyés spéciaux, trop souvent chargés de donner à l’information un tour spectaculaires (« De notre envoyé de moins en moins spécial »). Le rythme de l’information et la cadence de chaque JT interdisent de prendre le temps de mettre en perspective ( d’ « éditorialiser », selon le mot de l’auteur) et de comprendre (« Faire courir ou faire comprendre » et « Tuer les temps morts »).
– Le Journal télévisé s’organise autour des images (« Bouillie d’images », chapitre 2) (...)