
« Comment Vincent Bolloré a mangé Canal+ ». Le sous-titre de l’ouvrage de Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, mieux connus comme les « Garriberts », est explicite. L’empire relate une histoire : celle de la prise de contrôle et de la mise au pas de Canal+ par l’industriel breton entre l’été 2014 et la rentrée 2016.
« C’est une histoire de violence. C’est une histoire de vengeance, de pouvoir, d’argent, mais c’est avant tout une histoire de violence », avertissent les auteurs dès la préface du livre. Et, à suivre les différentes étapes de cette prise de contrôle, telles qu’elles sont relatées par les Garriberts, le moins que l’on puisse dire est que le mot « violence » n’est pas galvaudé. (...)
L’empire est un recueil d’articles publiés sur le site LesJours.fr entre janvier et juillet 2016. Ils rapportent, témoignages et documents « internes » à l’appui, la façon dont l’oligarque Bolloré a brutalement imposé sa « vision du monde » : « un monde où l’on sacre celui qui met des nouilles dans le slip de l’un de ses employés, où Les Guignols doivent débiter du sketch pour faire rire en français, en espagnol et en mandarin, où il faut piocher les invités de ses émissions dans le catalogue maison, où le journalisme ne s’envisage qu’en vitrine corporate des productions estampillées Canal+, Vivendi, Universal, Havas, estampillées Bolloré » (p. 7).
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« L’intégration verticale »
Il ne s’agit évidemment pas pour les auteurs du livre de défendre un prétendu « esprit Canal » qui aurait été détruit par Bolloré, mais bien de raconter comment le milliardaire et son entourage ont méticuleusement « nettoyé » la chaîne de toutes celles et tous ceux qui ne correspondaient pas au « projet Bolloré ». Son principe ? « L’intégration verticale » :
Pour faire simple, disons qu’il s’agit de produire un film StudioCanal avec une artiste Universal en tête d’affiche, d’assurer la promo du chef-d’oeuvre ainsi réalisé dans Le Grand Journal de Canal+, lequel chef-d’oeuvre aura une critique des plus laudatrices dans Direct Matin, sera ensuite décliné en comédie musicale dont la tournée ne manquera pas de passer par L’Olympia, celui de Bruno Coquatrix à Paris, racheté par Bolloré, mais aussi par CanalOlympia, la salle qu’est en train de créer l’homme d’affaires à Conakry, en Guinée. Ça distraira les dockers de Conakry Terminal, la filiale de Bolloré Africa Logistics qui construit une plate-forme portuaire dans la ville, où l’envoyé spécial d’i-Télé, pardon CNews comme a décidé de la renommer Bolloré, ne manquera pas de couvrir l’événement et la chaîne [CStar] de le retransmettre en direct. C’est beau, hein ? (p. 19) (...)