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Lire : Les briseurs de tabous, de Sébastien Fontenelle
Les briseurs de tabous, intellectuels et journalistes « anticonformistes » au service de l’ordre dominant, Paris, La Découverte, 2012
Article mis en ligne le 28 septembre 2015
dernière modification le 24 septembre 2015

Paru en 2012 [1], l’essai de Sébastien Fontenelle mérite toujours autant d’être lu puisque la rhétorique qu’il déconstruit et les phénomènes médiatiques qu’il critique n’ont pas franchement changé, bien au contraire, comme semble en témoigner, par exemple, l’actuel « phénomène Onfray » [2]…

En un prologue et dix-huit courts chapitres, l’auteur [3] propose une critique vive et bien documentée du fond de commerce de certains éditocrates et de leurs amis « intellectuels ».

L’ouvrage explore le paradoxe selon lequel des journalistes, éditeurs, intellectuels qui peuvent s’exprimer continuellement et abondamment dans les plus grands médias, en viennent à déplorer qu’ils ne peuvent « plus rien dire ». La « bien-pensance » (quand ce n’est pas la « police de la pensée ») interdirait en effet l’expression et la diffusion des propos « subversifs », qui ne se conformeraient pas au « politiquement correct ».

Les briseurs de tabous ne sont « ni de droite ni de gauche »

Ce « raisonnement », explique Sébastien Fontenelle, repose sur un empilement de supercheries intellectuelles. La première est de faire passer pour « subversives » ou même pour « inclassables » des idées… de droite ! (...)

Sébastien Fontenelle souligne au passage que, si certains de ces briseurs de tabous comme Alain Finkielkraut ne sont pas encartés à droite, leurs amitiés et leurs « critiques » n’en sont pas moins des marqueurs politiques. Ainsi Alain Finkielkraut salue Renaud Camus, penseur « singulier et rare » qui écrit, selon le philosophe préféré de France Culture, « sans crainte des tabous » (p. 20). Dans le même ordre d’idée, il soutien l’italienne Orianna Fallaci [4] qui, si elle écrit « avec des Pataugas » n’en a pas moins « le mérite de ne pas se laisser intimider par le mensonge vertueux » et « s’efforce de regarder la vérité en face » (p. 64). N’en déplaise à la rédaction du Point, tout indique que ces « briseurs » de tabous sont en réalité des personnes réactionnaires, voire proches de la droite la plus extrême. (...)

Les « briseurs de tabous » sont muselés

La seconde supercherie du raisonnement des « mal-pensants », et non la moindre, est de faire croire qu’ils sont ostracisés de la vie politique française, voire qu’ils sont des « dissidents ». Éric Zemmour, Ivan Rioufol, Philippe Tesson, Élisabeth Lévy, Alain Finkielkraut, Jean-François Kahn, Christophe Barbier et d’autres, seraient quasi inaudibles du fait des tentatives de censures (staliniennes plus que nazies) et d’un climat général dans lequel seuls les propos « bien-pensants » seraient dicibles. (...)

Pour ne citer que quelques unes de leurs activités, ces penseurs anticonformistes et ostracisés occupent des fonctions de direction dans des grands médias (Élisabeth Lévy à Causeur, Jean-François Kahn à Marianne jusqu’en 2007), détiennent d’importants espaces médiatiques et éditoriaux (Alain Finkielkraut à France Culture ou aux éditions Stock et Gallimard, Éric Zemmour dont on ne recense plus les émissions auxquelles il participe régulièrement tant l’exercice serait fastidieux).

Les briseurs de tabous sont « réalistes »

Sébastien Fontenelle montre bien à travers son livre à quel point les discours des penseurs médiatiques « anticonformistes » ne reposent sur rien. Leurs opinions péremptoires ne s’encombrent pas, en effet, du fastidieux travail de la documentation et de la vérification par les faits de leurs propos les plus spectaculaires. (...)

Briser des tabous serait « nouveau » et « courageux ». En réalité, les « tabous » brisés sont toujours les mêmes, et ce depuis de longues années : lorsque Le Point pourfend l’impôt ou lorsqu’Alain Finkielkrault dit leurs quatre vérités aux musulmans, ils ne font qu’entretenir des topos et brisent pour la millième fois des « tabous » qui sont déjà en miettes.

***

Le livre de Sébastien Fontenelle n’est ni un éloge des « tabous » ni un plaidoyer pour l’envoi en camp de redressement des éditocrates. Ceux-ci peuvent bien penser et dire ce qu’ils veulent, c’est là leur droit le plus strict. Ce qui est plus gênant, c’est qu’ils se disent persécutés quand ce sont eux qui font et défont le bruit médiatique dominant en France.