
Quand Sécurité et Liberté sont dans un bateau, hélas, Liberté tombe à l’eau. C’est souvent le cas. Dans ce couple-là, quand il y a conflit, c’est la seconde la plus fragile.
Prenez le projet de loi « renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme », actuellement en discussion à l’Assemblée. Il est destiné à accroître les moyens pour repérer les apprentis djihadistes et lutter plus efficacement contre les éventuels poseurs de bombe. Mais les mesures qu’il autorise sont autant d’accrocs à nos libertés, dans l’indifférence de la plupart des députés.[...]
Tout se passe comme si le monde numérique était distinct du monde réel : dans le second, nous serions protégés contre le risque de « société policière », mais pas dans le premier. (...)
Procédure d’urgence
Le projet, dès le départ, est bien mal emmanché :
c’est le ministère de l’Intérieur qui le porte, alors que ce devrait être, dans une démocratie, le ministère de la Justice ;
c’est la procédure d’urgence (une seule lecture par chambre) qui a été choisie pour adopter cette loi, alors que toute réforme touchant aux libertés devrait donner lieu à débat parlementaire « complet » ;
c’est, enfin, un texte décidé dans l’émotion du drame syrien, par un gouvernement impatient d’afficher ses muscles, alors que ces lois-là, pour être justes, devraient être discutées à froid.
Si la loi antiterrorisme ne soulève pas d’immense scandale, c’est parce qu’elle vise de vrais salauds et que ses conséquences fâcheuses n’affectent en apparence « que » nos libertés numériques, cette « jungle de l’Internet », ce « tout-à-l’égout de la démocratie ».
Des reculs importants
Mais ne nous y trompons pas : ce sont nos libertés fondamentales qui seront écornées si ce texte passe en l’état, nos libertés d’aller et venir, de nous exprimer, de nous informer.
Sans même parler de la séparation des pouvoirs, qui risque d’en prendre un sacré coup : tout est fait dans ce projet de loi pour contourner le juge et laisser à la police la plus grande liberté d’agir.
Plusieurs points, s’ils étaient adoptés, représenteraient des reculs importants.
– La liberté d’aller et venir (...)
– La liberté d’opinion et d’expression (...)
– La protection de la vie privée (et la protection des sources) (...)
– La présomption d’innocence (...)
Si la lutte contre le terrorisme a pour fin ultime de défendre nos valeurs démocratiques face à celles, totalitaires, des terroristes, quel est le sens de ces mesures ? Lorsque, pour rendre plus « efficace » cette lutte, on sacrifie des libertés, on se perd dans un jeu contreproductif. Au final, avant même que le combat ne soit engagé, c’est le terroriste qui gagne : son idée de la société avance, la nôtre recule. Les députés français feraient bien de se réveiller.