
« Quand c’est flou c’est qu’il y a un loup », tout le monde se souvient de cette phrase de Martine Aubry pour fustiger l’ambigüité des propositions de celui qui, à l’époque, n’était qu’un des candidats aux primaires socialistes.
François Hollande lui paraissait représenter une gauche molle, une gauche portée au compromis avec le patronat, une gauche tentant de ménager la chèvre et le chou, une gauche peu revendicative, une gauche portée à l’équanimité et au statu quo quand il aurait fallu plus de pugnacité et de volontarisme après les années Sarkozy. La première secrétaire du PS suggérait implicitement que les propositions du candidat Hollande pourraient bien ne pas être aussi favorables au bien commun qu’il n’y paraissait au premier abord. L’approche strictement comptable de son challenger, sa volonté sans cesse réaffirmée de réduire la dette publique à marche forcée, devaient sans doute l’inciter au scepticisme et à la méfiance. Les engagements du futur Président lui paraissaient trompeurs ; dans un système libéral où la puissance publique est bridée par un cadre budgétaire très strict, les plus faibles ne sont jamais gagnants : ce qui est donné d’une main est souvent repris de l’autre. Aujourd’hui, François Hollande a, dans la logique de la Vème République, l’ensemble de ses troupes derrière lui et Martine Aubry ne tarit pas d’éloges sur la politique gouvernementale ; mais le loup est toujours là !
Le loup est désormais connu de tous : il s’agit bien sûr du « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire » qui sera finalement voté en l’état par la France et qui menace de dévorer toutes les politiques sociales européennes. Dimanche soir, le loup est resté tapi dans l’ombre mais il était bien là, guidant tous les propos du chef de L’Etat. C’est bien lui qui permet de comprendre et de décrypter le discours présidentiel, destiné à légitimer une rigueur budgétaire sans précédent et la future réforme du marché du travail.
Notre Président, confronté désormais à une « crise d’une gravité exceptionnelle », a endossé ses habits de grand redresseur économique. « Je dois fixer le cap et le rythme. Le cap, c’est le redressement de la France. »
Et le redressement passe inévitablement par la restauration de « la compétitivité » et « la réforme du marché du travail ». « C’est une réforme considérable . . . Cet accord doit être gagnant-gagnant, du donnant-donnant : les salariés doivent être mieux protégés, les entreprises plus soutenues dans leurs efforts d’adaptation. ». Il faut donc "réformer le marché du travail, pour que ce soit plus souple et en même temps plus protecteur".
« Plus souple », « plus protecteur », c’est quand même un peu contradictoire, un peu flou ! Et quand c’est flou . . . A moins d’être un socialiste béat, on peut craindre « le loup » (...)
Mais le Président demeure issu des rangs de « la gauche », il s’en souvient de temps à autre ; il convient donc d’habiller son discours, de lui donner une tonalité humaniste, de ne pas fermer l’horizon. Les classes populaires doivent conserver l’espoir d’une vie meilleure, on ne peut pas tout sacrifier à la réduction des déficits, les déshérités ne seront pas abandonnés. Certes, aujourd’hui, il n’y a rien à distribuer, rien à partager, mais demain . . .
Alors, il ajoute, justifiant ainsi les efforts demandés : « Je veux proposer cet agenda du redressement, deux ans, qui deviendra ensuite l’agenda d’une société solidaire ». Des mots étonnants, presque surréalistes , la possibilité d’une société différente existerait-elle encore ? François Hollande a-t-il conscience d’être un peu provocateur ? Aujourd’hui, quand l’urgence nécessiterait l’aide de la puissance publique, les caisses de l’Etat vont remplir la poche des banquiers et des détenteurs de capitaux (ceux qui prêtent de l’argent et qui en touchent les intérêts vont récupérer très largement l’augmentation des impôts qui va les toucher) mais, demain, quand ça ira mieux, quand le chômage sera résorbé, on essaiera d’organiser la solidarité ! (...)