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Lubrizol : « Les Informés » s’étonnent… du doute qui gagne la population
Article mis en ligne le 5 octobre 2019

« La paille qui est dans l’œil de ton frère, tu la vois. Mais la poutre qui est dans ton œil, tu ne la vois pas. Lorsque tu ôteras la poutre de ton œil, alors tu verras clair pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère. » Une fois n’est (vraiment) pas coutume, citons un évangile pour illustrer l’attitude d’une partie des médias occupés, cinq jours après l’incendie de Lubrizol, à questionner, à s’indigner, voire à railler le scepticisme de la population vis-à-vis de la communication des autorités concernant les conséquences sanitaires de cette catastrophe industrielle.

Le culot est de taille quand on sait à quel point ces mêmes médias ont privé la population – rouennaise en premier lieu – de tout accès à l’information pour l’ensevelir sous les têtes de veau chiraquiennes, alors même que l’usine brûlait sous ses yeux et qu’elle souffrait physiquement des premières conséquences de cet incendie. (...)

Dans le monde de PPDA, « les gens » sont décidément bien retors. Ils écoutent ainsi un ancien « présentateur vedette » leur dire qu’il n’a rien à dire, qu’il n’a fait aucune enquête, mais qu’il sait en revanche une chose sur leur compte : le complotisme les guette. D’autant plus étonnant que les médias ont rempli leur mission d’information sur l’accident de l’usine Lubrizol de manière exemplaire… en se focalisant exclusivement sur la mort de Jacques Chirac ! Ainsi pendant que les chaînes en continu ou les JT passaient l’accident sous silence (le jour même à partir de l’annonce du décès de Chirac, comme le lendemain), « les gens », et en particulier les Rouennais, devaient bien essayer de s’informer ailleurs [3]. Certes, les canaux d’information « alternatifs » peuvent véhiculer des messages faux et complotistes (même s’ils n’en ont pas le monopole !) à même de créer des élans de panique. Mais on en conviendra aisément : ce ne sont pas des tirades comme celle de PPDA, à valeur informative absolument nulle et remplies de préjugés, qui seront susceptibles de contrecarrer la diffusion des premiers, et de calmer les seconds [4].

Plutôt que d’informer ce soir-là, Jean-François Achilli et Christine Ockrent préfèrent eux aussi communier dans une forme de résignation (...)

Christine Ockrent : […] Je n’imagine pas une seconde que le gouvernement courre le moindre risque du moindre défaut de transparence, parce que l’époque l’exige, [de même que] l’inquiétude des gens. Comme on le sait, cet affreux cancer du complotisme (sic) fait que bien évidemment, des gens doivent se ruer sur les réseaux sociaux pour entretenir précisément, à des fins diverses et variées mais toujours négatives, l’angoisse des gens.

Haro sur « les » réseaux sociaux ! Quant à l’idée d’analyser l’angoisse et le désarroi qu’auront provoqués le black-out médiatique concomitant à l’incendie de Lubrizol [5] ou le fait de répéter à l’envi que les gens sont angoissés sans apporter soi-même la moindre information, Christine Ockrent, en bonne donneuse de leçons à la populace, ne « l’imagine pas une seconde »... (...)

Quant au « complotisme » et au cancer du « doute », il ne leur vient (évidemment) pas à l’idée de pointer la responsabilité des médias dans leur « prolifération ». Quid de l’information que ces derniers ont laissé littéralement en jachère pendant deux jours ? (...)

Mais que l’on dorme sur nos deux oreilles : en attendant les enquêtes, les chaînes d’info passeront tout le temps nécessaire à « décrypter » la communication gouvernementale, tout en pestant contre la défiance irraisonnée de la population vis-à-vis des médias et de la « parole publique ». Comme un écho de leur certitude d’être dans le droit chemin, aussi profonde que l’est leur déconnexion du terrain, l’autocritique n’aura donc (à nouveau) pas lieu : la poutre dans l’œil des « Informés » est (beaucoup) trop grosse.