
Depuis une loi fondatrice datant de 1881, la presse jouit d’une liberté protégée, afin que le droit à l’information des citoyens ne soit pas entravé par des pressions politiques ou économiques. Or plusieurs procédures récentes, visant Mediapart, témoignent d’un contournement de ce droit fondamental par la justice elle-même.
François Bayrou est aujourd’hui ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la justice, dans le premier gouvernement de la présidence d’Emmanuel Macron, avec Édouard Philippe comme premier ministre. Au-delà d’une alliance politique, ces éminentes responsabilités ministérielles lui donnent acte des combats qu’il a menés, ces dix dernières années, sous les présidences de Nicolas Sarkozy comme de François Hollande, sur le terrain de l’exigence démocratique, en défense notamment de l’indépendance de la justice et de la liberté de la presse.
C’est ainsi que, dans son dernier livre, publié en janvier dernier (Résolution française, Éditions de l’Observatoire), il n’hésite pas à faire référence au programme du Conseil national de la Résistance (CNR) à propos de l’information. (...)
Garde des Sceaux, ministre de la justice, ministre d’État, M. Bayrou est désormais à l’ouvrage pour relever ce défi d’une « renaissance de l’idéal démocratique » qu’il appelait de ses vœux, citant le rapport d’une commission parlementaire sur la révolution numérique à laquelle j’ai, pour Mediapart, participé (lire ici). On ne juge les paroles qu’aux actes. C’est pourquoi nous l’invitons, urgemment, à s’intéresser aux pratiques de plus en plus fréquentes de l’administration dont il a la charge, la justice, dont les parquets ont une fâcheuse tendance à remettre en cause le droit protecteur de cette liberté fondamentale, la liberté de la presse, en contournant la procédure qui la garantit.
Mediapart est ainsi depuis plusieurs mois la cible d’une accumulation de procédures bâillons attentatoires à la liberté d’informer. Ce n’est certes pas nouveau. (...)
hélas, cela se systématise et se banalise. Au lieu, comme le veut la loi de 1881, de nous demander des comptes éventuels dans le cadre du droit de la presse, nous sommes visés par des procédures qui ignorent ce droit, isolant des délits (violation du secret de l’instruction, du secret défense, etc.) sans les rapporter à la légitimité du but poursuivi, ce droit de savoir tout ce qui est d’intérêt public. Voici quatre exemples récents. (...)
M. le garde des Sceaux, ne serait-il pas temps que vous rappeliez, dans une lettre-circulaire, aux procureurs de la République, qui sont placés sous votre autorité hiérarchique, l’esprit et la lettre de la loi républicaine sur la liberté de la presse afin qu’ils cessent de s’en émanciper, au détriment du droit de savoir des citoyens et de l’idéal démocratique dont vous vous êtes fait le héraut ?