
(...) L’hôpital Borda n’est pas seulement l’un des derniers refuges pour ces individus en marge de la société, il abrite également un centre culturel ainsi qu’une radio où ses résidents peuvent s’exprimer. Il reste donc ouvert au public.
Théâtre d’une bataille politique depuis 2012, le centre psychiatrique craint d’être détruit pour laisser place à un projet immobilier de grande envergure. De violents affrontements entre la police et la population ont déjà fait plusieurs dizaines de blessés. Photographe, j’ai voulu aller le voir.
MAKING OF
Tom, étudiant en école de commerce, réside depuis dix mois en Argentine pour son année de césure. Il travaille comme photographe et caméraman dans une agence de presse à Buenos Aires pour laquelle il couvre des événements politiques et artistiques. Rodolphe Baron
C’est en descendant du bus n°100, qui s’arrête devant l’enceinte de l’établissement, que j’ai réalisé l’étrangeté de ma démarche. Je n’ai pas vraiment l’habitude de visiter ce genre d’endroit. Je crois que j’avais surtout peur d’être perçu comme un touriste en excursion au zoo. (...)
Je suis entré malgré tout. Un patient est venu spontanément me voir et m’a servi de guide. Il m’a présenté à d’autres résidents et on a fait une partie de foot, sans ballon évidemment. Il m’a ensuite montré les centaines de tableaux qui ornent le centre culturel. C’était surprenant de constater le talent de certains patients, comme si la folie leur permettait de s’ouvrir à une nouvelle créativité.
Je devais y faire un unique déplacement pour un reportage ; j’y suis finalement retourné une dizaine de fois. Un peu plus à l’aise à chaque fois pour aller vers les patients. (...)
En faisant quelques recherches, je me suis rendu compte de la renommée internationale de ce centre, non pas pour les remous politiques qu’il a suscités mais pour avoir émis la première émission de radio au monde animée par ses patients.
Lancée en 1991 par le docteur Alfredo Olivera, la radio La Colifata (argot pour fou en castellan) est considérée pour ses vertus thérapeutiques et s’est d’ailleurs exportée dans plus d’une dizaine de pays, en Amérique du Sud et en Europe. Son homologue française s’appelle Radio citron et émet depuis le XVIIIe arrondissement de Paris.
Cette station radiophonique, c’est le projet « fou » de donner la parole à ceux qui n’existent plus aux yeux de la société, de leur redonner vie, de leur permettre de renouer le contact avec l’extérieur en vue pour certains d’une future réinsertion. Sans tabous ni barrières, tout le monde a le droit de participer. (...)