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Arrêt sur images
Macron à Saint-Denis : plongée dans le cirque médiatique
Trois bus ont été affrétés pour transporter 150 journalistes de Paris... à Saint-Denis (93)
Article mis en ligne le 30 avril 2022

Jeudi 21 avril, pour la visite à Saint-Denis (93) du président-candidat Macron, ses équipes n’ont pas lésiné sur la sécurité. Quitte à virer à l’absurde : voyage organisé en bus pour toute la presse, "pool" réduit, périmètre bouclé, aucune déambulation dans la ville... "Arrêt sur images" y était, et a pu poser une question au président-candidat, qui ne l’a pas appréciée. Reportage au cœur du cirque médiatique.

"Déminage" des journalistes et voyage organisé en bus

Théoriquement, impossible de suivre le candidat en déplacement sans accréditation. L’équipe de campagne a bordé l’événement : les inscriptions presse étaient closes la veille à 22 h, avec un total de 147 journalistes accrédités. """"Les journalistes munis de leur accréditation sont attendus au QG de campagne"" le jeudi 21 avril à 10 h 30 pour le déminage,"" précise le programme prévisionnel. Soit une fouille à base de" "chiens sniffeurs"" et de ""palpations", "selon deux journalistes de télévision. ""Très agréable,"" ironise l’un. C’est la raison évoquée par l’équipe de communication pour l’heure du rendez-vous, 10 h 30 à Paris (pour 13 h 15 à Saint-Denis). La ville est pourtant à moins de dix kilomètres de Paris, et "Basilique de Saint-Denis" est une station de métro sur la ligne 13... Mais l’équipe macroniste a affrété trois bus pour l’occasion. (...)

À "Arrêt sur images", nous n’avons eu connaissance de la venue de Macron que le jour-même, car nous ne suivons pas tous les déplacements des candidats. Dépêchée pour "ASI" car déjà sur place, j’écris à l’équipe de Macron le 21 avril au matin : ""Hélas, les accréditations sont closes depuis hier 22h..."" répond, par SMS, l’un des conseillers. Puis silence radio. Mais une fois au parvis de la basilique de Saint-Denis, avant que la sécurité ne commence à filtrer le périmètre, le même conseiller demande ""Vous êtes "Arrêt sur images " ?"" et me tend un badge "presse". Je resterai bien sûr derrière la barrière, avec les autres journalistes accrédités mais "non-poolés", qui ne suivent pas le candidat de près. Pas de "déminage". De l’inutilité d’une mesure de sécurité. (...)

Tout le périmètre a été bouclé par l’équipe de campagne. (...)

La zone réservée au candidat et à sa garde rapprochée fait une centaine de mètres carrés et s’étend de la rue d’où est arrivé son véhicule blindé jusqu’aux abords de la mairie. (...)

Dans une deuxième zone, à la barrière côté basilique, se massent passants curieux et journalistes accrédités. Derrière eux, la sécurité filtre les entrées autour de la basilique. Les journalistes – dont" Arrêt sur images –" sont nombreux et se marchent sur les pieds. Seuls ceux du "pool", ce cercle restreint autorisé à suivre Macron au plus près, peuvent aller au-delà pour enregistrer et filmer ses paroles. (...)

Les journalistes étrangers présents sont nombreux : Belgique (LN24), Angleterre (Sky News), Portugal (CNN Portugal / TVI), États-Unis (Associated Press)... Tore Keller, un reporter danois du journal "Information" observe avec amusement la foule de journalistes. ""Au Danemark", explique-t-il, "on est beaucoup moins nombreux sur un déplacement, on n’a pas besoin du même niveau de sécurité. On parle plus facilement aux politiques, ils viennent travailler en vélo..." "Il rit : ""Mais je ne vois pas trop Macron arriver ici en vélo !"" (...)

Beaucoup d’habitants sont déçus par l’impossibilité d’approcher le candidat. ""J’habite juste à côté, personne ne nous a rien dit, on ne nous a pas mis au courant !"" s’exclame une femme. Un membre du Groupe national de surveillance des arbres est venu offrir à Macron un livre sur l’écologie, mais ne parvient pas à se rapprocher. (...)

Les caméras de "Quotidien", de "Public Sénat" se tendent vers les Dionysien‧nes. Une femme de 62 ans, native de Saint-Denis et qui vit ""à deux pas de l’hôtel de ville"", s’exaspère. ""Nous, les Dionysiens, on n’a pas le droit de circuler quand [Macron] vient faire des dîners à la Maison d’éducation de la Légion d’Honneur"" (juste à côté, ndlr)." "Et aujourd’hui, ça change ? C’est une visite par intérêt ! Il ne vient pas voir les Dionysiens." "Selon elle, il vient uniquement pour séduire les ""électeurs de Jean-Luc Mélenchon"". (...)

Après plus d’une heure, la barrière s’ouvre pour les journalistes : c’est l’heure du "micro tendu" aux questions des journalistes, qui se passera au beau milieu de la place de la mairie, à équidistance entre les barrières côté basilique et côté rue de la République, hors de portée des habitants qui continuent d’appeler le président-candidat – et les journalistes – à se tourner vers eux. (...)

Macron va donc répondre aux questions des journalistes dos à la rue de la République, dans laquelle il n’aura pas mis un pied. Une fois installés, les journalistes doivent patienter une vingtaine de minutes : le candidat n’a pas fini son bain de foule près de l’immeuble délabré. ""Qu’est-ce qu’on se fait chier..."" murmure l’un d’eux. (...)

Alors qu’il défend son bilan sur les quartiers populaires et regrette que ""des inégalités demeurent dans la société"", une journaliste qui connaît le terrain murmure : ""J’ai bossé sept ans en banlieue... J’hallucine de ce que j’entends.""
"Je ne trie pas les journalistes"

Lorsque Macron se retourne pour prendre congé, à la fin du "micro tendu", je lui demande à la volée s’il assume de trier les journalistes, suite à l’article de "Reporterre "qui relatait leur accréditation refusée, ainsi qu’à "Blast" et" QG", lors du grand meeting de Macron le 2 avril à La Défense. La raison invoquée était le manque de place – mais la Défense Arena compte plus de 30 000 places ""qui n’ont finalement pas été remplies,"" notait "Reporterre". Le visage d’Emmanuel Macron se ferme : il ne sait pas de quoi je parle. (...)

""Je ne trie pas les journalistes",""" dit-il, alors qu’un de ses conseillers vole à son secours en assurant que si, "Blast" était bien accrédité. Macron réplique, du ton méprisant qui le caractérise : ""Vous voyez, vous faites une erreur." "Mais et "Reporterre" ? Trop tard, il s’en va. Alors que je conseille à Emmanuel Macron de lire l’article de "Reporterre", une conseillère macroniste me tire littéralement par le col : ""On va s’en occuper,"" dit-elle. Macron se dirige vers la barrière près de la rue de la République pour son deuxième bain de foule... et deux communicants m’entraînent à l’écart. (...)