
Dans une interview à « Elle » publiée ce vendredi 1er juillet, le chef de l’Etat se dit hostile au crop top, ce t-shirt qui dévoile le nombril, dans les établissements scolaires : « A l’école, je suis plutôt “tenue décente exigée”, aussi bien pour les filles que pour les garçons. […] Tout ce qui vous renvoie à une identité, une volonté de choquer ou d’exister n’a pas sa place à l’école. On peut tenir compte de la part de fantaisie d’un ado et tenir bon sur certains principes. » Une phrase qui suscite de nombreuses critiques. « L’Obs » republie pour l’occasion une chronique de Sophie Fontanel datée du 17 septembre, sur la tenue correcte exigée au lycée.
Évidemment, comme tout le monde, je vois passer la d
éferlante du sujet de discorde de la semaine : la tenue vestimentaire adéquate pour aller au lycée. Comme d’habitude, les camps qui se dessinent se sentent tous dans leur bon droit pour s’insurger. Les uns pour dire que, quoi, merde, on ne peut pas s’habiller « n’importe comment » pour aller travailler. Les autres pour revendiquer très fort leur droit à se mettre sur le dos exactement ce qu’elles et ils veulent, « à notre époque ».
Je précise que cette revendication de la jeunesse est mixte, et aurait tort d’aller vite – c’est tentant – à ne voir dans ces règles vestimentaires que chaque lycée est en mesure d’édicter une nouvelle façon d’empêcher les femmes de faire ce qu’elles veulent. Alors qu’en réalité un garçon qui se met un short, des Doc Martens et un collier peut tout à fait être retoqué par l’établissement dans lequel il étudie, comme on l’a vu récemment.
Plus qu’un symptôme du sexisme, cette histoire est surtout un affolement du système devant ce dont les jeunes sont capables, esthétiquement. C’est si extrême et si soudain. Personne ne l’avait vu venir. Des looks grunge, punk, kawaï, tout ça court sur TikTok et bientôt en cours de géo.
Sauf que ces looks que les jeunes se font, à quoi ça correspond ? Est-ce une liberté qu’ils s’autorisent ou un assujettissement à la mode ? Ce serait, là encore, faire erreur que de penser qu’ils sont des « fashion victims », car cette mode si voyante qui leur sort du cerveau ne vient pas des grandes marques, en réalité. Même pas de chez Gucci, c’est dire ! Ce qui se passe en ce moment (et que Hedi Slimane, chez Céline, a très merveilleusement récupéré dans sa collection « Dancing Kid » printemps/été 2020), c’est un circuit parallèle de la mode, fait des choses disponibles (et dénichées) dans les friperies, par ces jeunes qui n’ont pas un sou, et en plus renâcleraient à consommer car il faut sauver la planète (mais avec un téléphone portable), sans se rendre compte que consommer de la fripe est une consommation quand même.
« Par les vêtements, ces jeunes se donnent un plaisir que tout, autour d’eux, leur refuse »
Les personnes qui s’offusquent de voir des gamines et des gamins prétendre étudier dans les écoles de la République attifés étrangement et « à moitié à poil » (faux, en plus), font une erreur en liant ces styles vestimentaires à une « kardashianisation » de la société. C’est au contraire quelque chose qui vient de la rue, et qui passe ensuite sur Instagram, TikTok. Ce n’est pas un abrutissement de cette jeunesse, c’est sa capacité à vivre malgré le flot des récits dystopiques, auxquels elle ne peut plus échapper et même par lesquels elle a appris à prendre son plaisir. On joue à se faire peur, en plus d’avoir vraiment les jetons. Par les vêtements, ces jeunes se donnent un plaisir que tout, autour d’eux, leur refuse. (...)
en oubliant que la question de la « tenue correcte exigée » est très ancienne, que la tenue de Jeanne d’Arc posait déjà problème, que la capuche est suspecte depuis 1713, que les culottes trop grosses des hommes du XVIIe siècle faisaient couler de l’encre et du fiel, bref que c’est pas nouveau, tout ça. Il est peut-être plus intéressant de ne pas se braquer, même si, par les temps qui courent… (...)
« Un jeune qui se trouve affublé d’un masque, n’aurait-il pas le droit de s’inventer le bonheur par les habits ? » (...)
quelle est la tenue idéale pour étudier, pour apprendre et aimer apprendre ? Faut-il que l’individualité s’efface pour qu’enfin la connaissance daigne entrer dans un cerveau ? C’est discutable, tout ça. Et au lieu de s’engueuler, on devrait en discuter, mais l’esprit ouvert. (...)
Macron hostile au "crop top" à l’école, tenue correcte exigée au lycée !
Bon, par contre à l'Elysée... pic.twitter.com/kT2pBwRqif— David Dobsky (@dobsky33) July 1, 2021