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IRIN - nouvelles et analyses humanitaires
« Mais que fait l’OTAN ? »
Article mis en ligne le 2 juin 2016

Les civils libyens appellent à l’aide dans un pays qui sombre chaque jour un peu plus dans le conflit et le chaos

« En 2011, l’OTAN a dit qu’il intervenait en Libye pour protéger les droits fondamentaux des civils », a dit le jeune homme à IRIN. Mohamed fait partie de quelque 50 000 personnes qui ont fui la ville côtière de Syrte ces deux dernières semaines seulement.

« Nous avons perdu nos droits les plus fondamentaux sous [l’autoproclamé] État islamique », a-t-il dit. « Et les trois gouvernements libyens ne nous ont pas du tout soutenus. Alors que fait l’OTAN ? » (...)

Après la chute de Mouammar Kadhafi (tué en octobre 2011 alors qu’il se cachait depuis le mois d’août), différentes milices et factions politiques se sont disputé le contrôle de la Libye et de ses ressources. Elles ont fini par former deux gouvernements rivaux : l’un soutenu par Fajr Libya (Aube de la Libye), coalition de milices provenant principalement de Misrata et de Tripoli, est basé à Tripoli, l’ancienne capitale de M. Kadhafi, à l’extrême ouest de la côte nord du pays ; l’autre, qui soutient le chef d’État major Khalifa Haftar, se partage entre Tobrouk et El Beïda, à l’extrême est de cette même côte nord.

L’État islamique (EI) a profité du chaos pour occuper près de 200 km de littoral. Le mouvement a commencé par s’emparer de Syrte, ville natale et ancien fief de M. Kadhafi, en février 2015. Les estimations du soutien dont bénéficie le groupe armé en Libye varient.

Fin mars, un « gouvernement d’union nationale » a été créé sous les bons offices des Nations Unies. Il siège maintenant à Tripoli. Certaines forces de Tripoli lui ont accordé un soutien limité, mais une partie du gouvernement de Tripoli et celui de Tobrouk rejettent totalement son autorité.

Alors que l’OTAN réfléchit au rôle qu’il devra prendre à partir de maintenant, les gouvernements rivaux ont attaqué l’État islamique à Syrte, faisant fuir les civils qui le peuvent.

Une année de peur

D’après Mohamed, au moins 300 personnes ont été exécutées à Syrte depuis que l’EI s’est emparé de la ville il y a un an. IRIN n’a pas pu confirmer ce chiffre, mais Human Rights Watch a constaté au moins 49 exécutions extrajudiciaires dans cette ville.

La description que Mohamed fait de la situation de Syrte avant qu’il quitte la ville plus tôt ce mois-ci est macabre. « Ils tuent des gens tous les jours, qu’ils l’aient annoncé ou non. Même les enfants sont obligés d’assister aux exécutions publiques et tout le monde voit les corps qu’ils pendent à des échafaudages à l’entrée de la ville. »

« Il y a un endroit à l’extérieur de la ville où l’EI entasse plein de corps et les familles qui ont perdu un proche vont fouiller parmi les cadavres pour voir s’il y est. »

Des milliers d’habitants, notamment ceux qui avaient été menacés par l’EI ou qui avaient travaillé pour le gouvernement ou pour l’armée, avaient déjà fui Syrte au cours de l’année écoulée, avant cet exode récent plus massif.

D’autres régions de la Libye sont elles aussi en plein chaos. (...)

De petites villes aux ressources déjà limitées se sont retrouvées surchargées par le grand nombre de déplacés, dont la plupart ont eu du mal à obtenir de l’aide ou même un toit.

« De nombreuses familles qui se sont réfugiées dans des villes environnantes comme Bani Walid vivent maintenant dans des écoles, dont les installations ne sont pas adaptées et manquent par exemple de toilettes et de douches », a dit Siraj. « Et de nombreuses personnes ont un besoin urgent de matelas et des couvertures, car elles n’ont littéralement rien emporté. » (...)

Les combats qui se déroulent aux quatre coins du pays ont déjà fait plus de 417 000 déplacés, selon le dernier décompte de l’Organisation internationale des migrations. Siraj espère que davantage de personnes déplacées d’autres villes libyennes pourront bientôt rentrer chez elles et laisser ainsi de la place dans la capitale et ailleurs pour ceux qui fuient les territoires occupés par l’EI.

« La plupart des familles qui ont fui n’ont pas les moyens de payer les loyers élevés pratiqués à Tripoli et certaines n’ont déjà pas eu d’autre choix que de retourner dans [la région de] Syrte », a-t-il expliqué.

Trois gouvernements, mais peu d’aide

Il est évidemment inquiétant que deux armées rivales embourbées depuis deux ans dans un conflit civil mènent deux opérations séparées et non coordonnées contre l’EI à Syrte.

« Si les armées rivales s’affrontent autour de Syrte, cela ne fera que rendre service à l’EI, qui en sortira plus fort », a dit Mohamed. (...)

« Nous n’avons reçu aucune aide d’un quelconque gouvernement », a-t-il dit. « Les hommes politiques libyens tirent profit de la menace de l’EI tandis que les Libyens ordinaires en sont les victimes. Nous avons perdu toute foi et tout espoir envers les gouvernements et nous n’attendons plus rien. »
(...)

Ahmed, ancien responsable de la sécurité à Ben Jawad, la ville la plus à l’est du territoire occupé par l’EI, a dit que la Libye n’avait jamais eu autant besoin d’aide de l’étranger.

« Quand la communauté internationale est venue pour tuer [M.] Kadhafi en 2011, ils ont dit que c’était pour protéger les civils, mais maintenant les civils courent quotidiennement de graves dangers et personne ne veut les aider », a-t-il dit.

« Des innocents, dont certains ont à peine quinze ans, sont exécutés sur les places publiques, mais on a l’impression que le monde et nos propres concitoyens nous ont oubliés. »