
Chômeurs, travailleurs précaires et découragés du travail : en France, plus de huit millions de personnes, soit un quart du total des actifs, sont fragilisées face à l’emploi.
La France compte 2,8 millions de chômeurs, selon les données 2017 de l’Insee, soit 9 % de la population dite « active » (celle qui a un emploi ou en cherche un). Ce chiffre, à lui seul, reflète mal la dégradation du marché du travail. Selon nos calculs, on peut estimer le nombre de personnes fragilisées face à l’emploi à 8,1 millions au total. (...)
En effet, en plus de ses 2,8 millions de chômeurs, la France compte 3,7 millions de travailleurs précaires : principalement des personnes en intérim ou en contrat à durée déterminée, que ce soit dans le secteur privé comme dans le public. On compte aussi 1,6 million de découragés, qui ne recherchent plus activement un travail tant la situation est dégradée. Ils ne sont donc plus comptés comme « actifs ». Quand l’Insee les interroge, ils répondent pourtant qu’ils souhaiteraient travailler. Parmi eux, des mères de famille monoparentale qui n’ont aucun mode de garde pour leurs enfants, des adultes très peu qualifiés qui baissent les bras devant le type d’emploi et les rémunérations qu’on leur propose.
Si on additionne les chômeurs et toutes les populations marginalisées (précaires et découragées) par rapport à la norme d’emploi de notre société, on aboutit à un total de plus de huit millions de personnes, soit un quart du total des actifs. Certes, une partie des chômeurs est depuis peu sans emploi et ne le restera pas longtemps. Certains « précaires » ont choisi ce type de statut pour mener une vie plus « flexible ». À cet égard, notre chiffre est sans doute surestimé. Imaginons donc que l’on puisse amputer arbitrairement ce chiffre d’un million de personnes. L’estimation porterait alors sur sept millions de personnes en mal-emploi, au minimum.
À l’opposé, nos données ne comprennent pas tous les découragés qui n’osent même plus déclarer à l’Insee qu’ils voudraient travailler tant ils sont marginalisés. Ceux qui, par exemple, trop âgés et trop peu qualifiés, attendent l’âge de la retraite sans rien demander. Ils n’apparaissent dans aucun chiffre. (...)
Le mal-emploi ne frappe pas au hasard : il concerne une population peu organisée collectivement, ont les intérêts sont mal représentés. Le risque d’être au chômage et d’y rester, d’occuper un emploi précaire ou de décrocher de l’univers professionnel est essentiellement lié au fait d’être qualifié ou non. Mais pas uniquement. La masse des « mal-employés » sont des jeunes qui n’ont pas réussi à obtenir un titre scolaire, mais aussi des femmes qui ont cru pouvoir s’arrêter temporairement pour élever leurs enfants et qui n’arrivent plus à reprendre pied dans l’emploi, ou encore des plus âgés qui baissent les bras.