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Rue 89
Mali : le discours d’Aminata Traoré que Paris ne veut pas entendre
Article mis en ligne le 18 mai 2013

La France a-t-elle refusé un visa à l’ancienne ministre malienne Aminata Traoré, qui critique vivement la politique française vis-à-vis de son pays ? L’affaire fait grand bruit dans une partie de l’opinion, choquée que la France refuse d’entendre une des voix plurielles de ce pays tout en affirmant l’avoir sauvé.

L’affaire est toutefois plus complexe qu’un simple refus de visa. Vincent Floréani, porte parole adjoint du Quai d’Orsay, déclare à Rue89 :

« Mme Traoré n’a déposé aucune demande de visa à l’ambassade de France. Il n’y a pas d’opposition politique à sa venue en France ».

Contactée par Rue89, Aminata Traoré en convient : ce n’est pas à la France qu’elle avait demandé un visa, mais à l’Allemagne, pour répondre à une invitation de la Fondation Rosa Luxembourg, liée au parti de gauche Die Linke. Elle devait ensuite venir à Paris pour participer à une réunion publique, coïncidant avec le débat parlementaire sur le prolongement de l’opération Serval.

C’est là que s’est produit le problème. Au lieu d’avoir un visa Schengen, lui permettant de circuler ailleurs en Europe, elle s’est vue délivrer un visa exclusif pour l’Allemagne, avec obligation de se présenter à l’ambassade allemande à Bamako dès son retour pour prouver qu’elle avait respecté l’interdit. Une mesure qui l’a obligée à modifier son itinéraire via Istanbul au lieu d’Amsterdam comme prévu.

Aminata Traoré a été informée officieusement de source allemande que c’est la France qui a mis son véto, comme elle en a le droit, à l’extension Schengen de ce visa pour l’Allemagne. Au Quai d’Orsay, on déclare ne pas être intervenu et on rejette la responsabilité sur... l’Allemagne. (...)

L’affaire n’est pas anodine. Jeudi, François Hollande a démarré sa conférence de presse par une référence au Mali, et il se trouvait la veille à Bruxelles pour une réunion internationale qui a généré 3 milliards d’euros d’aide au Mali.

Or Aminata Traoré, altermondialiste engagée, personnalité de la société civile malienne qui n’a pas peur des polémiques et des combats politiques, s’insurge contre la manière dont la France dicte les termes du processus politique au Mali.

Sans nécessairement être d’accord avec elle, il faut écouter ce qu’elle a à dire sur la manière dont Paris, comme s’en est encore félicité jeudi François Hollande, bâtit une démocratie de façade à Bamako, dont le point d’orgue sera l’élection présidentielle de juillet.

Aminata Traoré s’insurge contre ce scrutin qui, selon elle, ne résoudra rien (...)

On peut comprendre que le gouvernement français n’apprécie pas ce discours, et soit même en désaccord ouvert sur la conception de la démocratie de cette altermondialiste malienne.

Mais la France peut difficilement prétendre avoir sauvé le Mali du fondamentalisme et de l’obscurantisme, et dans la foulée refuser son territoire à l’une des voix de la société malienne, même dérangeante et accusatrice.