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Manif contre l’islamophobie : “dérapages en série” sur BFMTV et LCI
Samuel Gontier
Article mis en ligne le 13 novembre 2019

Sur BFMTV comme sur LCI, la manifestation contre l’islamophobie organisée dimanche à Paris se résume à une image (celle d’une “petite fille” portant un croissant et une étoile jaunes) et à un discours (revendiquant le droit de prier “Allah Akbar”). Les rares invités à défendre une autre vision se font sévèrement rabrouer.

« Cette marche a créé un malaise avant, rappelle Arlette Chabot. Parce que “islamophobie”, guillemets, est un mot qui est ambigu, qui permet de condamner tous ceux qui par exemple veulent critiquer l’islam. » Par exemple, tous ceux qui disent que l’islam est incompatible avec la République. « Malaise aussi pendant la manifestation parce qu’on a vu des mères de famille portant des drapeaux tricolores, se réclamant de la République. Malheureusement, au milieu de cette manif, quelqu’un de proche du collectif a trouvé malin de rappeler ce que signifie “Allah Akbar”. » Comme si ces mots avaient un rapport avec l’islam — et l’islamophobie.

Voici l’extrait du discours de Marwan Muhammad, ancien président du CCIF (Comité contre l’islamophobie en France) : « Allah Akbar ! On dit “Allah Akbar” parce qu’on a en a marre que des médias fassent passer cette expression religieuse pour une déclaration de guerre ! » Arlette Chabot s’indigne : « Sauf qu’Allah Akbar, c’est peut-être un cri [sic] religieux mais c’est celui qu’utilisent les djihadistes avant de passer à l’action. C’était pas une bonne idée. » Il faudrait interdire aux musulmans de prononcer les mots « Allah Akbar » – et aux catholiques de prononcer le mot « Dieu » puisqu’un de leurs coreligionnaires a autrefois proféré : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » (...)

« Puis, poursuit Arlette Chabot, malaise aussi après la publication de cette photo avec une petite fille portant une étoile jaune sur la poitrine, sur cette étoile est écrit “muslim”. On trouve à côté un croissant de lune qui est un symbole de l’islam. » L’étoile à cinq branches aussi. « Tout le monde a compris la référence faite à l’étoile imposée par le régime de Vichy aux juifs. » Même si quatre autres personnes portent ce symbole, LCI choisit de zoomer sur la petite fille… Comme la plupart des « reprises médiatiques », note André Gunthert dans un billet salutaire. « Les commentateurs coupent la photographie en la recentrant sur sa partie gauche, mettant en avant, par l’image et par le commentaire, la “petite fille” […]. Ils inventent une “instrumentalisation” parfaitement imaginaire. Ceux qui dénoncent la manipulation de l’histoire choisissent donc de se focaliser sur la fillette pour mieux réveiller les souvenirs du ghetto de Varsovie ou de La Liste de Schindler. De quel côté est la honte ? »
(...)

Arlette Chabot conclut : « Cette marche laisse un goût amer. » Surtout si l’on n’en retient que des faits très minoritaires. En revanche, je ne me souviens pas que la manif contre la PMA pour toutes, le 6 octobre dernier, ait été réduite à l’agression d’une équipe de l’émission Quotidien… L’éditorialiste dénonce une « concurrence victimaire insupportable, c’est absolument indécent ». « Consternant », approuve François Lenglet. « Chez les gens qui ont fabriqué ce calicot, juge Vincent Hervouët, y a un cynisme absolu et un procédé de marketing politique. » La classe politique (de droite) et les éditorialistes de LCI sont unanimes. (...)

« Manif anti-islamophobie : dérapages en série », titre BFMTV de son côté. Combien de policiers blessés, de magasins martyrisés, de mobilier urbain dévasté ? Olivier Truchot sollicite un des initiateurs de la manif, Madjid Messaoudene : « Vous parlez de racisme d’État. » « Oui, je parle de racisme d’État, je vais donner un exemple concret : quand la Cour de cassation condamne l’État pour contrôles au faciès abusifs. » Laurent Neumann hausse les épaules : « S’il y avait du racisme d’État, on n’aurait pas une Cour de cassation susceptible de condamner l’État. » Et de faire cesser définitivement la pratique des contrôles au faciès. « Il y a des tribunaux qui font appliquer la loi républicaine, appuie Gilles Clavreul, du Printemps républicain. Donc la loi, elle est pas liberticide. » « Mais quand l’État est condamné… », tente Madjid Messaoudene. « Ça veut dire que la loi n’est pas liberticide », le coupe Laurent Neumann. (...)

Malgré sa verve, Madjid Messaouden a bien du mal à se faire entendre : il est seul contre quatre. Au tour de Jean-François Kahn de l’attaquer. « Faut pas ruser. » Tiens, exactement ce que dira Bruno Jeudy quelques heures plus tard à Edwy Plenel : « Arrêtez, monsieur Plenel, vous rusez. » Ces islamo-collabos sont particulièrement perfides. « Il y a deux pays qui ont pratiqué un racisme d’État, assure Jean-François Kahn, c’est l’Afrique du Sud de l’apartheid et l’Allemagne de Hitler. » Ah bon ? Et les États-Unis de l’esclavage, puis de la ségrégation, puis de Black Lives Matter ? Et la France coloniale, et postcoloniale ? Et l’Australie avec les Aborigènes ? Et la Birmanie avec les Rohingyas ? Et le Canada avec les Amérindiens ?… Sans même remonter à l’Antiquité, on pourrait trouver des dizaines d’exemples. Peu importe, pour Jean-François Kahn, « ce que vous dites signifie que se pratique en France quelque chose qu’on peut comparer à l’Allemagne de Hitler et à l’Apartheid de l’Afrique du Sud ». Et au Rwanda des génocidaires hutus, sans aucun doute. (...)

Madjid Messaouden rappelle que les manifestants scandaient : « Laïcité on t’aime, tu dois nous protéger ! » Peu importe, Olivier Truchot certifie l’échec de la manif : « Y avait que 13 500 personnes hier… Si on estime qu’il y cinq millions de Français de confessions musulmane, 13 500, c’est plutôt un échec. Ça veut dire que la plupart des Français de confession musulmane ne se sont pas sentis concernés. » En revanche, je ne me souviens pas que le nombre de manifestants contre la PMA pour toutes, le 6 octobre dernier, ait été comparé à la population des catholiques en France. (...)

« Pour en parler avec nous », une nouvelle fois, une seule manifestante… Encore un débat à quatre contre une, la présentatrice et trois invités – Anne Rosencher, de L’Express, coutumier des couvertures islamophobes entre guillemets, Francis Chouat, « député apparenté LREM, proche de Manuel Valls », Philippe Val, dont je ne me souviens plus s’il est proche de Manuel Valls ou de Nicolas Sarkozy… tous contre Elsa Faucillon, du PCF, qui vante « une manifestation réussie ». (...)

« La gauche a terriblement évolué en l’espace d’une génération, soutient Philippe Val, qui en est la preuve vivante. Avec trois trahisons. La première, ça a été de verser dans un antisionisme qui a ouvert les portes à l’antisémitisme violent et criminel. » Cependant, contrairement au terme « islamaphobie » le mot « antisémitisme » n’est pas disqualifié, même si Philippe Val et Benjamin Netanyaou s’en servent pour condamner les personnes qui osent critiquer la politique du gouvernement israélien. « La deuxième, c’est l’abandon de l’idéal d’une Europe unie… » (...)

Francis Chouat abonde : « Il y une gauche qui s’est perdue, qui s’est fourvoyée. » Heureusement, il reste la gauche de droite… L’embêtant, dans le fait d’inviter des experts de la même opinion, c’est qu’ils se répètent. L’élu fustige « cette manifestation charriant des torrents de falsifications ». Ça n’arriverait pas sur BFMTV. « Elle vise à faire en sorte que notre modèle républicain fasse l’objet d’un grand remplacement par une logique communautariste. » Grand remplacement ? Tiens, ça me rappelle une expression d’extrême droite… Ruth Elkrief ne relève pas. (...)

Comme Madjid Messaoudene avant elle, Elsa Faucillon doit faire face à un feu roulant d’accusations. Philippe Val reprend le bobard propagé par Caroline Fourest : « Le terme “islamophobie” est une invention des intégristes pour interdire la critique de la religion. » Je commence à me lasser de le répéter à chaque chronique, mais ce terme a été utilisé dès les années 1910 par des intellectuels critiquant la politique coloniale de la France. (...)

Laurent Neumann répète l’implacable argument de Jean-François Kahn : « La tribune appelant à manifester parlait de racisme d’État. Jean-François Kahn le disait, il y a deux États dans l’histoire ont fait preuve de racisme d’État, c’était l’Allemagne nazie et l’Afrique du Sud. » A ce niveau d’enfumage, je ne saurais dire s’il est antirépublicain ou pro-facho.