
Le 17 février dernier, une révolte éclate dans le camp de rétention des immigrés clandestins de Manus Island, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Elle fait plus de 70 blessés et un mort, Reza Berati, un jeune iraquien de 23 ans, dans des conditions restées floues. Enquête sur cette petite île encombrante devenue le symbole de la face cachée de l’immigration australienne.
Il y a les working Holiday visas, il y a les reportages du 20h sur « ces Français qui ont réussi en Australie », il y a les villes les plus agréables du monde. Il y a Manus Island. Sur ce bout de terre de Papouasie Nouvelle Guinée s’entassent chaque jour des centaines d’immigrés clandestins syriens, irakiens, libanais, somaliens, afghans, birmans. Ils ne feront pas le tour de l’Australie en van, ils ne travailleront pas sur les plages de Sydney, ils ne vivront pas dans les villes les plus agréables du monde. Ils vivront là, sur cette île paradisiaque transformée en enfer.
NOVEMBRE 2012, REPRISE DE LA « SOLUTION PACIFIQUE »
En 2001, sont construits dans le cadre de la « Solution Pacifique » les centres de Manus Island et de Nauru. Cette « solution » est mise en place à la suite de « l’affaire Tampa », ce bateau norvégien qui avait porté secours à un boat people indonésien et s’était vu refuser l’entrée sur le territoire australien, en dépit du droit maritime. Le gouvernement australien convainquait alors la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Nauru d’accepter les migrants sur leur territoire en échange d’une prise en charge financière et d’une aide au développement en matière d’éducation et de santé.
Jusqu’à leurs fermetures en 2007, ces deux centres permettront de traiter les cas de centaines d’immigrés clandestins arrivés par bateaux, sans jamais qu’ils n’aient à poser les pieds en Australie.
Sous la pression des élections législatives de 2013, le gouvernement travailliste de Julie Gillard réactive la Solution Pacifique et décide de la réouverture des camps de Manus Island et de Nauru en Novembre 2012. La loi du 19 Juillet 2013 entérine durablement cette décision : chaque demandeur d’asile devra passer par la Papouasie-Nouvelle-Guinée où son cas sera traité, aucun ne pourra par la suite séjourner en Australie.
Aujourd’hui, environ 1500 demandeurs d’asiles occupent le camp de fortune de Manus Island et ce nombre ne cesse de s’accroitre sans qu’aucune solution pérenne ne soit envisagée. (...)
Nombreux sont les troubles mentaux, tentatives de suicide et grèves de la faim constatés par le personnel médical. En témoigne le récit de cet immigré anonyme qui a créé l’année dernière la page facebook « Asylum seekers in « Manus Island » 2013 » : « Hier, 40 personnes ont été amenées ici. Après seulement une nuit, un homme a essayé de s’étrangler, et trois autres de se couper les veines. Ils veulent juste comprendre pourquoi ils sont sur l’île de Manus et personne ici ne répond à cette question". (...)
Il est édifiant de constater l’ampleur du désastre humanitaire qui se joue à Manus Island, et l’hypocrisie des différents protagonistes impliqués. A l’heure où nous parlons le soleil se couche à Darwin, mais à quelques kilomètres au Nord, les immigrés de Manus ne dormiront pas avant longtemps.