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Mario Monti, sauveur de l’Europe et idole des médias
Article mis en ligne le 21 décembre 2012

En annonçant le 9 décembre sa démission prochaine de la présidence du Conseil italien, et la tenue d’élections anticipées dans les semaines suivantes, Mario Monti a suscité une vague de stupeur dans la presse. Il est pourtant rare qu’une telle péripétie, somme toute banale, de la vie politique d’un pays européen accapare ainsi l’attention des médias…

Il est vrai qu’il ne s’agit pas de n’importe quel premier ministre. Ex-conseiller international de Goldman Sachs et ex-commissaire européen, ayant pris les rênes du pays sans élection, Mario Monti n’avait-il pas réussi, avec son « gouvernement d’experts », à sortir l’Europe de la crise en permettant à l’Italie de retrouver la confiance des marchés ? Retour sur les hommages unanimes de la presse à « Super Mario ». (...)

« Le départ de Mario Monti inquiète l’Europe » titre l’article du Monde. « L’Europe » ? Mais quelle « Europe » ? À lire l’article, qui rapporte exclusivement les propos de conseillers financiers et de responsables européens, elle se résume aux institutions et dirigeants de l’UE et aux marchés. Pour eux, comme le rapporte Le Monde, « Super Mario » était devenu « incontournable », lui qui avait formé son « gouvernement de techniciens » avec la « bénédiction des Européens ». (...)

Le Monde n’est pas un cas isolé : la presse se fait unanimement l’écho… des préoccupations des banquiers. Ainsi Le Figaro publie un article au titre original (« Le départ de Mario Monti inquiète les Européens »). Mais « les Européens » du Figaro modèrent toutefois les inquiétudes des « Européens » du Monde, puisque « les investisseurs sont convaincus que le réalisme prévaudra en Italie », et qu’une analyste de la banque américaine Morgan Stanley nous confie que « la seule chose que nous attendions encore de Mario Monti cette année, c’est le vote du budget, qui passera ». Quant aux autres « Européens » – exclusivement allemands à l’exception du Président du Conseil européen –, s’ils « s’inquiétaient depuis plusieurs mois de l’instant (…) où la politique et le jeu électoral reprendraient leurs droits dans la Botte », ils s’accordent à considérer qu’« il n’y a pas d’alternative à ce que fait M. Monti ». (...)

« Pas d’alternative », c’est aussi le mot d’ordre du Nouvel Observateur, qui fait de Monti un super héros : « super technicien, qui a surpris l’Europe pour son sérieux, son sens de la diplomatie et sa conception intransigeante de l’exercice du pouvoir ». (...)

C’est aussi le scénario retenu par Libération : Monti a toutes ses chances car il est « très populaire »… avec 43% d’opinions favorables ! Un score important selon l’article compte tenu de « la sévère cure de rigueur imposée à son pays ». Dès lors, il pourrait rempiler « afin de rassurer les partenaires européens et les marchés ». Pour Libération, cet « européen convaincu », catholique pratiquant, est plus populaire dans l’électorat de centre-gauche et chez les intellectuels, malgré la politique de rigueur et son passage par Goldman Sachs. (...)


Mais qui sont, au juste, les juges légitimes de l’action du gouvernement italien ? Les marchés, ou bien le peuple italien ?
Pour la presse, la réponse est toute trouvée. La misère et la crise sociale sont tout au plus le prix nécessaire à payer pour permettre de conjurer la crise… jusqu’au prochain sommet. Dès lors, la perspective d’élections démocratiques apparaît au mieux comme une formalité, au pire comme une menace : celle d’un rejet – populiste, forcément – de ce gouvernement « de techniciens » au bilan tellement flatteur. C’est qu’en matière européenne, comme en d’autres, les présupposés des grands médias, garants autoproclamés de la démocratie, sont parfois fort peu démocratiques. (...)