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le Monde
Marseille L’effondrement de deux immeubles lundi rappelle que la ville compte de nombreux bâtiments insalubres. Cinq à huit personnes pourraient être ensevelies.
Article mis en ligne le 6 novembre 2018

deux immeubles se sont effondrés en début de matinée lundi 5 novembre. Sans savoir lequel s’est écroulé en premier, entraînant l’autre dans un effet de château de cartes, les bâtiments des 63 et 65, rue d’Aubagne, hauts de quatre et cinq étages, ont été transformés en un immense tas de gravats.

Mardi matin, le corps d’un homme mort a été retrouvé sous les décombres(...)

Le procureur de la République Xavier Tarabeux, qui a confié l’enquête à la police judiciaire, l’a ouverte pour « homicides » et « blessures involontaires » car, a-t-il justifié, « on est quasiment certain qu’il y avait des occupants, les premiers témoignages le laissent entendre ». Selon Séverin, qui habite l’immeuble en face, « un monsieur venait de sortir car l’immeuble bougeait. Il était affirmatif, il y avait des familles et des couples à l’intérieur ».

Les deux immeubles effondrés n’étaient pas inconnus des autorités puisque Marseille Habitat, le concessionnaire retenu par la ville pour conduire une opération de lutte contre les constructions insalubres, a mis dix ans pour acquérir la totalité des lots de la copropriété du 63, rue d’Aubagne. Le bâtiment figurait même dans le Nouveau Programme national de renouvellement urbain(...)

Il avait été muré, les fenêtres étaient étayées avec de grosses poutres et, selon Arlette Fructus, conseillère au logement de la métropole Aix-Marseille-Provence, des visites étaient régulièrement réalisées par les services municipaux. La dernière, le 31 octobre, a permis de vérifier qu’il était inoccupé, affirme l’élue.

Le second immeuble, au 65, rue d’Aubagne, une copropriété comptant douze appartements dont neuf étaient occupés, avait fait l’objet, le 18 octobre, d’un arrêté de péril concernant le premier étage, le plancher menaçant de s’effondrer. La réalisation de travaux et le feu vert d’un expert avaient permis la réintégration d’une famille. En janvier 2017, déjà, l’immeuble avait été vidé de ses occupants en raison d’un péril grave et imminent. Le plancher du premier étage s’effondrait dans l’entrée.(...)

Ce drame, à quelques pas du Vieux-Port, rappelle combien Marseille souffre d’un habitat insalubre, voire indigne, localisé dans les quartiers nord mais aussi en plein centre-ville. En mai 2015, un rapport de l’inspecteur général de l’administration du développement durable, Christian Nicol, remis à la ministre chargée du logement, dressait un état des lieux alarmant(...)

L’existence d’une dizaine de procédures pour habitat insalubre ou indigne actuellement en cours d’enquête par le parquet de Marseille est donc sans commune mesure avec l’état d’un grand nombre d’immeubles.(...)

« A Noailles, il y a une stratégie d’abandon et ce tragique événement est une conséquence directe de l’incurie de la mairie dans la prévention et le traitement de l’habitat indigne et insalubre dans le centre-ville », déplore Patrick Lacoste, membre de l’association, qui souligne que ce quartier fait l’objet de programmes de requalification depuis vingt ans. Aujourd’hui, la moitié des immeubles dégradés resterait à traiter. « A Marseille, on préfère mettre l’argent dans le stade ou dans la tour La Marseillaise de Jean Nouvel, peste-t-il. C’est absolument honteux, il va falloir des morts pour qu’ils s’occupent du centre-ville. »(...)

« Le drame que nous vivons aujourd’hui est lié à l’enlisement constant des procédures, à un système sclérosant qui nous empêche d’avancer et retarde notre action »(...)

Sophie, 25 ans, en master de philosophie, louait 330 euros un studio au cinquième étage du 65, rue d’Aubagne. Dimanche, elle n’avait pas dormi chez elle, raconte-t-elle au Monde. Sa voisine du quatrième étage non plus. Cette dernière est sauve car sa douche s’écoulant à l’étage en dessous, elle était allée vivre chez une amie. « On avait honte d’inviter des gens chez nous », dit-elle. En octobre, elle avait harcelé un syndic qui lui rétorquait que tout était dans l’ordre, même si les portes ne s’ouvraient plus et que les murs s’affaissaient. Mais ce qui la révolte le plus, c’est qu’on n’ait « pas immédiatement donné la mesure des choses : tous mes voisins sont sous les décombres ».