
Profitant du label de capitale européenne de la culture, accordé en 2013, la cité phocéenne réhabilite à tout va. Si les vastes projets de rénovation urbaine font le bonheur de la spéculation immobilière, il n’en est pas de même pour les habitants des quartiers populaires historiques du centre-ville. Absence de concertation et exclusions accompagnent les réhabilitations. Quant aux projets culturels, ils servent davantage l’attractivité touristique que le bien-être des habitants.
Souvenez-vous : Marseille est devenue « capitale européenne de la culture » en 2013. Ce n’était pas évident à concevoir tant la cité phocéenne est décriée pour son manque d’infrastructures, son insécurité et le délabrement de son centre-ville. Et c’était avant de défrayer la chronique des faits divers violents et des homicides. Pour l’administrateur culturel Bernard Latarjet, qui a porté la candidature de la ville, Marseille était celle « qui en avait le plus besoin ». Le label a été perçu comme une opportunité inespérée d’accélérer les chantiers en suspens visant à rendre Marseille attractive et relancer son dynamisme économique. La ville est en chantier, mais quelle est la teneur des projets urbains et quelles sont leurs influences sur les populations du centre-ville ? Entre les effets d’annonce et les conséquences réelles sur les habitants, le décalage est immense. (...)
il est difficile de ne pas être suspicieux quant aux réelles conséquences de cette vaste rénovation. Surtout quand, à l’occasion de la réhabilitation, des fonds de pensions deviennent propriétaires des immeubles et y appliquent une logique bien éloignée de celle du droit à la ville. (...)
Les habitants sont repoussés en périphérie et la population du centre change.
La situation est aussi à l’origine d’autres types d’exclusions et de tensions, notamment concernant les migrants Roms installés à Marseille qui se voient contraints de changer de quartiers de plus en plus rapidement. Chassés du centre (porte d’Aix en particulier), ils se retranchent vers les Quartiers nord, ce qui engendre des tensions, comme à la cité des Créneaux, enclavée entre une autoroute et des friches industrielles. Le 26 septembre 2012, des habitants de la cité délogent des Roms s’étant installés depuis 4 jours dans le quartier. Ils intimident les familles avant de brûler ce qu’il reste du camp. Les habitants n’ont pas été inquiétés par la police et les gens du voyage sont allés chercher un nouvel endroit où aller, un peu plus au nord. (...)
Des exemples positifs, tels que Lille en 2004 qui avait su mettre à profit son label de Capitale européenne de la Culture pour valoriser son territoire, demeurent rares. Lille avait inscrit les investissements sur du long terme, valorisé les initiatives culturelles (Lille 3000, Europe XXL…) et dynamisé l’attractivité de la région. Il faudra la même énergie à Marseille ainsi qu’une mobilisation et une réflexion constante pour que la ville revienne à ses habitants.