
Le « journalisme de préfecture » recouvre un ensemble de réflexes et de pratiques médiatiques qui conduisent à relayer, sans aucun recul, le discours « officiel » (celui des autorités, de la police ou de la justice) à propos d’opérations de « maintien de l’ordre ».
Plusieurs éléments entrent en compte pour expliquer la prégnance de cette forme de journalisme dans le traitement des violences policières. Le premier concerne la proximité et la dépendance des journalistes vis-à-vis de leurs sources policières. Le second concerne une certaine conception du journalisme comme partie prenante du maintien de l’ordre social (...)
Le genre « fait-divers » ne suppose pas dans les routines de travail la prise en compte d’un point de vue contradictoire – pourtant au principe de l’objectivité professionnelle dans bien d’autres domaines de l’actualité. Sauf à ce que la police soit elle-même mise en cause, l’objectivité relève exclusivement de la reprise des « faits », c’est-à-dire des informations officielles, comptes rendus d’interventions policières ou décisions de justice. Il ne vient pas à l’idée d’un journaliste d’aller solliciter auprès du contrevenant sa version des faits. […] Mis à part les avocats – pour lesquels les journalistes s’efforcent d’opposer parties civiles et défense – les sources policières et judiciaires (parquet) ne sont pas perçues par les faits-diversiers comme des « parties » défendant un point de vue. […] Seule une prise de position de l’« informateur » policier s’apparentant à une « opinion » politique, peut conduire à mettre en doute son « objectivité » et lui faire perdre son crédit de professionnel-expert en sécurité locale (...)
La dépendance aux sources est accrue dans un contexte de resserrement des contraintes temporelles et budgétaires qui s’appliquent à l’activité journalistique. Enquêter en profondeur est coûteux en temps et en argent, et les rédactions sont amenées à dépendre des communiqués et conférences de presse officielles. (...)
Ces différentes considérations (proximité/dépendance vis-à-vis des sources) peuvent également s’appliquer aux spécialistes police-justice, qui sont amenés à commenter, dans les médias nationaux, les mobilisations sociales et les cas de violences policières – quand ces cas sont couverts ! Comme leurs homologues « faits-diversiers » de la presse locale, ces journalistes entretiennent des relations privilégiées avec leurs sources policières. Ils sont d’ailleurs eux-mêmes souvent d’anciens rubricards « faits divers » ou « informations générales » (...)