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Mégabassines : « Ce type de retenue va favoriser la persistance de pratiques agricoles très demandeuses en eau »
#MegaBassines #eau #sécheresse
Article mis en ligne le 7 janvier 2023
dernière modification le 6 janvier 2023

La mobilisation contre les projets de mégabassines ne faiblit pas. Ces mégabassines constituent-elles une réponse adaptée au changement climatique ? Basta ! fait le point sur les arguments avancés dans ce conflit sur l’accès à l’eau.La mobilisation contre les projets de mégabassines ne faiblit pas. Ces mégabassines constituent-elles une réponse adaptée au changement climatique ? Basta ! fait le point sur les arguments avancés dans ce conflit sur l’accès à l’eau.

(...) Des retenues d’eau de pluie ou du pompage de nappes phréatiques ?

« On parle de grands ouvrages artificiels de stockage d’eau, d’où le concept de “mégabassine”, explique Agnès Ducharne, hydrologue et directrice de recherche au CNRS. Le terme “retenue de substitution” fait référence à une manière de gérer l’approvisionnement en substituant à des pompages réalisés pendant l’été des pompages durant l’hiver, soit dans les cours d’eau, soit – et c’est le plus fréquent – dans les nappes phréatiques », poursuit la chercheuse.

Le terme « retenue » laisse penser que ce type de stockage ne ferait que retenir l’eau qui s’écoule. Or les mégabassines sont nécessairement reliées à un système de pompage, car elles sont déconnectées du réseau hydrographique – formé par l’ensemble des rivières, cours d’eau, lacs, zones humides, etc., d’un territoire. (...)

Combien de mégabassines en projet ?

À titre d’exemple, le projet de mégabassines porté par la Coop de l’eau 79, dans le Marais poitevin, prévoit la construction de seize gigantesques retenues pour stocker environ 6,2 millions de mètres cubes, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’une commune de 60 000 habitants. Avec des périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes, ces projets essaiment sur le territoire. Une carte réalisée par des collectifs d’opposant·e·s recense une cinquantaine de bassines déjà construites et une centaine en projet (...) elles sont plébiscitées et défendues par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), syndicat agricole majoritaire et partisan d’une agriculture intensive. (...)

Qui paie : les agriculteurs ou l’ensemble des usagers de l’eau ?

Dans la Vienne, un programme de construction de 30 mégabassines d’une capacité de 8,9 millions de mètres cubes a été validé début novembre. Le programme doit être finalisé à l’horizon 2027, selon ses promoteurs. Sous réserve toutefois des résultats favorables d’une étude « hydrologie, milieux, usages et climat », qui devrait être rendue publique au cours du premier trimestre 2023.

Pour la première phase de travaux, qui prévoit la construction de onze retenues en 2023, le coût est estimé à 22,3 millions d’euros, dont 14,9 millions d’euros de financements publics, partagés entre l’agence de l’eau de Loire-Bretagne et d’autres financeurs publics dont l’État. Un rapport du Sénat sur l’avenir de l’eau, publié en décembre 2022, détaille les ressources financières de ces agences publiques en charge de la gestion de l’eau. Ce sont les usagers de l’eau, particuliers comme entreprises, qui en assument la charge puisque 80 % de leurs ressources proviennent de redevances prélevées sur les factures.

Au-delà du financement des travaux, se pose aussi la question de leurs coûts de fonctionnement. Le pompage des nappes phréatiques implique une activation de pompes et donc une consommation électrique. (...)

« Partout, la demande de faciliter la création de retenues permettant de stocker l’eau vient en premier. Elle a été fortement exprimée lors du Varenne agricole de l’eau, dans un esprit de sécurisation des productions », pointe d’ailleurs le rapport du Sénat.

Cette position a été fortement critiquée par l’Office français de la biodiversité dans un avis de septembre 2021 : « L’eau y est trop mise en avant comme un moyen de sécuriser la production agricole, alors qu’elle est avant tout un bien commun. Il est indispensable de rechercher avant tout une adaptation de l’agriculture aux conditions pédoclimatiques [les conditions qui affectent la croissance d’une plante, ndlr] et non l’inverse. (...)

Dans le viseur des opposant·e·s aux mégabassines, les champs de maïs, une des principales cultures en Nouvelle-Aquitaine. Presque un tiers du maïs français y est produit. Même si la surface cultivée en maïs a tendance à se réduire depuis plusieurs années, elle reste conséquente, tout comme ses besoins en irrigation. Sur l’ensemble des surfaces qui nécessitent une irrigation, le maïs en occupe à lui seul les deux tiers, contre seulement 13 % pour les surfaces maraîchères et fruitières. (...)

Les mégabassines permettent-elles de mieux préserver les nappes phréatiques en été ?

Pour justifier le bien-fondé des projets de retenues d’eau, leurs partisan·e·s citent souvent un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). S’appuyant sur des simulations, ce rapport souligne que le niveau estival des nappes phréatiques serait, grâce aux mégabassines qui permettraient de répartir le pompage entre l’hiver et l’été, plus haut que de coutume du fait d’un moindre pompage durant l’été.

Florence Habets, hydroclimatologue au CNRS et Magali Reghezza-Zitt, géographe à l’École normale supérieure, nuancent ces apparents bons résultats. D’après elles, le rapport du BRGM ne prend pas en compte l’impact important de sécheresses de plus en plus récurrentes. « Les sécheresses longues rendent inefficace ce type de substitution » (...)

Les mégabassines permettent-elles de mieux préserver les nappes phréatiques en été ?

Pour justifier le bien-fondé des projets de retenues d’eau, leurs partisan·e·s citent souvent un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). S’appuyant sur des simulations, ce rapport souligne que le niveau estival des nappes phréatiques serait, grâce aux mégabassines qui permettraient de répartir le pompage entre l’hiver et l’été, plus haut que de coutume du fait d’un moindre pompage durant l’été.

Florence Habets, hydroclimatologue au CNRS et Magali Reghezza-Zitt, géographe à l’École normale supérieure, nuancent ces apparents bons résultats. D’après elles, le rapport du BRGM ne prend pas en compte l’impact important de sécheresses de plus en plus récurrentes. « Les sécheresses longues rendent inefficace ce type de substitution » (...)

Les défenseurs des mégabassines mettent aussi en avant les contreparties, dans lesquelles s’engagent les agriculteurs bénéficiant de l’eau stockée : réduction de l’usage des pesticides, rotation des cultures, modération de la consommation en eau… Problème : ces engagements sont peu contraignants, et apparemment optionnels.

Ainsi, à Mauzé-sur-le-Mignon, dans les Deux-Sèvres, aucun·e agriculteur·rice ne s’est engagé·e individuellement à réduire son utilisation de pesticides. Les résultats semblent plus concrets du côté de la plantation de haies. (...)

Les mégabassines sont-elles utiles pour s’adapter au changement climatique ?

« L’objectif des mégabassines, c’est de contourner les mesures de restriction qui permettent de protéger la ressource en eau en situation de sécheresse », critique Agnès Ducharne. Ces arrêtés de restriction, pris dans tous les départements métropolitains au cours de l’été dernier et qui subsistaient encore fin novembre dans 47 d’entre eux – dont les Deux-Sèvres – limitent les prélèvements à des fins agricoles, mais ne concernent pas les retenues de substitution.

La question d’une dégradation de l’eau en qualité et en quantité se pose aussi. « Dans un stockage de surface, l’eau est soumise à des pollutions diverses. Des microalgues et bactéries peuvent s’y développer. Et puis son pompage hors de la nappe fait qu’elle n’est plus protégée de l’évaporation », critique la chercheuse. Selon des estimations du CNRS,, deux à trois litres par m2 de plan d’eau et par jour sont perdus via l’évaporation. Soit pour une mégabassine de 10 hectares, 20 000 à 30 000 litres par jour.

« Vouloir compter sur de grosses retenues artificielles pour faire face aux sécheresses, c’est vraiment une solution de maladaptation », juge Agnès Ducharne. (...)

Pour sortir de ce paradigme, où les retenues de substitutions jouent un rôle central, une concertation autour des usages et du partage de l’eau semble nécessaire. « (...)