
Près de Clermont-Ferrand, deux projets de mégabassines attisent les oppositions, dans le sillage des Soulèvements de la Terre. Elles révèlent aussi l’emprise des industriels sur le monde agricole.
« Tout ce qu’on voit là sera recouvert de plastique, dit Yves ] en balayant l’horizon d’un mouvement de main. Il faut s’en rendre compte, on parle de 18 hectares ou le volume d’eau de 500 piscines olympiques. C’est énorme, tellement énorme qu’on a eu peine à y croire. » (...)
Les trente-six agriculteurs qui portent le projet, réunis au sein de l’Association syndicale libre (ASL) des Turlurons, annoncent un coût de 25 millions d’euros, financé à 70 % par de l’argent public, et entendent stocker jusqu’à 2,3 millions de mètres cubes d’eau en période hivernale. (...)
Le « choc Sainte-Soline »
En longeant un champ de maïs semence, aisément reconnaissable à ces rangées étêtées, nous croisons Frédéric Dutheil, un des porteurs de projet. « Je ne sais pas dans quel monde vivent les opposants aux bassines, déplore-t-il, nous n’allons pas revenir à l’agriculture de nos grands-pères. Nous essayons de faire les choses bien, en consultant tout le monde. » Philippe Planche, agriculteur à Billom, lui aussi membre de l’ASL des Turlurons, tient à rappeler l’irrégularité des pluies dans la région et la nécessité des bassines pour « protéger des exploitations familiales ». Il se dit « ouvert au dialogue », comprenant que le projet suscite de nombreuses interrogations. (...)
Le son de cloche est quelque peu différent chez les membres de BNM 63, qui évoquent un projet opaque avançant à bas bruit. Une réunion s’est bien tenue en février dernier, mais seulement pour les élus locaux. Les quelques dizaines d’habitants et de militants qui s’y sont présentés sont restés à la porte. (...)
À la suite de cette première réunion de février, le collectif Cela nous bassine Billom a été formé. Il rassemble des habitants, des écologistes (Extinction Rebellion, ANV-COP21, Alternatiba, France Nature Environnement) et des syndicalistes de la Confédération paysanne. Et surtout, bon nombre de primomilitants, saisis par la violence de la répression à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), fin mars dernier lors de la mobilisation contre les mégabassines, et la dissolution des Soulèvements de la Terre en juin dernier. « On se comptait sur les doigts d’une main et d’un coup, plein de gens nous ont rejoints », a pu constater Yves. Le collectif a rallié rapidement le réseau Bassines non merci, qui rassemble notamment des militants, des associations et des syndicats. (...)
« Si ces bassines passent, tout passe » (...)
Au rang des critiques, désormais bien connues, de ces retenues d’eau gigantesques, l’évaporation et le développement de cyanobactéries liés au stockage d’eau stagnante dans des bassines recouvertes de bâches ; les matériaux nécessaires à leur construction — leur endiguement — et leurs possibles conséquences sanitaires ; l’investissement d’argent public au bénéfice d’une poignée d’agriculteurs ; les effets sur la biodiversité d’un pompage dans la rivière Allier ; et la poursuite d’un modèle agricole jugé destructeur. S’ajoute à cela, s’il le fallait, la question de la viabilité du projet. (...)