
Quand en 1889, on a voulu interdire aux enfants de moins de 12 ans de travailler dans les mines, des voix se sont élevées pour dire : « Vous n’y pensez pas ! On va manquer de charbon ! »
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Quand en 1936 on a demandé si on ne pouvait pas envisager de passer à la semaine de 40 heures, des voix nombreuses, très nombreuses, se sont élevées pour dire : « Ah non, pas question ! Ou c’est tout notre système économique qui va s’écrouler ! »
Et quand en 1982 on a décidé d’instaurer la 5ème semaine de congés payés, des voix, les mêmes, toujours les mêmes, se sont, une nouvelle fois, insurgées : « Ah non, là vraiment, avec cinq semaines de congés payés, la France ne pourra plus être compétitive ! »
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Et tout ça, tout ça, affirmé, à chaque fois, avec un ton d’évidence. Parce que les réactionnaires sont comme ça ! Ils passent la moitié de leur vie à se tromper et le reste du temps à ne pas corriger leurs erreurs. Mais ils croient, dur comme fer, que le bon sens est de leur côté. Ils sont convaincus d’avoir les pieds sur terre tandis que les autres, les révolutionnaires, les gauchistes, les insoumis auraient la tête dans les étoiles. Et pourtant, et pourtant, il n’y a pas une seule avancée sociale que tout le monde trouve aujourd’hui parfaitement normale. Même Fillon ne souhaite pas que les enfants redescendent dans la mine et d’après ce que j’ai compris, il ne remet pas en cause les congés payés.
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Il n’y a pas une seule avancée sociale qui n’ait pas été arrachée à tous ceux qui considéraient que le monde dans lequel on vit est le seul possible !
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L’actuelle campagne électorale ne déroge pas à la règle. Combien de fois n’avons-nous pas entendu, ces dernières semaines, les tenants du libéralisme affirmer :
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« Ce que propose Mélenchon, c’est bien beau mais ce n’est pas réaliste ! Bien beau la 6e République, ou l’augmentation du SMIC, ou la revalorisation des minima sociaux, ou le retour à la retraite à 60 ans, ou le remboursement à 100% des frais de santé, ou la gratuité progressive de l’eau et de l’énergie, tout ça c’est bien beau mais ça n’est pas réaliste. »
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Je vous pose la question. Les tenants du libéralisme ont plongé le monde dans une crise économique qu’eux-mêmes reconnaissent comme invraisemblable. Est-ce qu’ils sont vraiment bien placés pour nous expliquer ce qui est réaliste ou pas ?
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Quant aux électeurs de gauche, sincères, qui aimeraient voter pour Jean-Luc Mélenchon et qui écoutent la voix de ses sirènes en se demandant : est-ce que le programme de la France insoumise n’est pas un peu utopique ? il faut leur rappeler que tout au long de l’histoire de France, la droite n’a pas cessé de dire à la gauche qu’elle n’était pas réaliste. Et heureusement, la gauche ne l’a pas entendue sinon nous n’en serions pas là où nous en sommes aujourd’hui !
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Ne tombons pas dans le piège du « combien ça coûte ? ». Demandons-nous d’abord ce qui est juste. Demandons-nous d’abord ce qui est souhaitable. Et ensuite seulement, réfléchissons, comme la France insoumise l’a fait, à la façon de financer tout ça ! Parce que l’argent ne manque pas. Il n’a jamais manqué !
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Pour terminer, je vous dirai un mot de ce qu’on appelle aujourd’hui le vote utile. C’est un piège de même nature.
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Les Socialistes qui nous exhortent aujourd’hui à voter, dès le premier tour, pour Emmanuel Macron, pour barrer la route au second tour à Marine Le Pen, oublient un petit détail : ils ont eu cinq ans pour détourner de l’extrême droite les électeurs. Cinq ans pour préférer au « vote utile » la politique utile ! Cette politique utile, ils ne l’ont pas faite et ils nous demandent maintenant de réparer les pots qu’ils ont eux-mêmes cassés !
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Le vote utile, c’est le degré zéro de la politique ! On ne s’intéresse plus aux programmes, on ne s’intéresse plus aux idées, on se s’intéresse plus aux propositions, on considère que la cause est perdue d’avance alors que la seule cause qui est perdue d’avance, c’est quand on décide à l’avance de ne pas se battre !
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Je termine en vous disant que ce billard à trois bandes – il aurait fallu voter, à la primaire de la droite, Juppé pour battre Sarkozy et maintenant il faudrait voter Macron pour battre Le Pen – ce n’est pas notre conception de la politique !
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Et je vais vous dire une dernière chose et c’est là un des objectifs de la 5e République : nous dégoûter de la politique, nous faire croire qu’on ne peut pas se battre pour des convictions. Alors c’est simple. Moi, je termine en disant : Vivement la 6e République ! Et en attendant, soyons tous réalistes : votons pour Jean-Luc Mélenchon !