Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Slate.fr
Méthanisation en Nouvelle-Aquitaine : le juste prix du biogaz
Article mis en ligne le 10 mai 2022
dernière modification le 9 mai 2022

Flambant neuf, propre et sans odeur : l’unité CVE de Breuilh a l’apparence sophistiquée d’une bonne élève de la méthanisation. Inaugurée en mars dernier dans le petit village néo-aquitain de Saint-Antoine-de-Breuilh, la jeune usine fonctionne déjà à pleins gaz.

Marc de raisin, chutes de papier, graisses végétales : elle brasse dans son ventre les déchets organiques en provenance des industries agroalimentaires de la région, jusqu’à en extraire l’élixir du marché gazier, le biométhane. « Un gaz vert, une énergie locale », décrit Paul Escale, ingénieur de Cap vert énergie (CVE), chargé du développement du projet sur les huit dernières années, de retour sur site pour une visite de routine.

Cinq à dix fois moins émetteur que le gaz naturel (selon le dernier rapport du Sénat), le biométhane est l’un des vecteurs d’investissement majeur pour la transition énergétique en France. À l’échelle nationale, 80% des fonds européens de la période 2014-2021 ont été dédiés au réseau de chaleur et à la méthanisation dans le pays.

Enjeu de décarbonation, souveraineté énergétique française, mais aussi externalités positives des déchets organiques générés par les exploitations agricoles et les industries... Le secteur est largement subventionné pour toutes ces raisons en Nouvelle-Aquitaine. (...)

Le casse-tête du FEDER

Pour financer son coût total de dix millions d’euros, l’unité CVE de Breuilh a pu bénéficier de nombreuses aides : à hauteur de 350.000 euros de la région, auxquels s’ajoutent 950.000 euros de l’Ademe, et 722.000 euros du FEDER (Fonds européen de développement régional).

Un financement facilité par le soutien de l’actionnaire minoritaire du projet, Engie Bioz (...)

Mais le coût élevé des projets, la mauvaise coordination des organismes de subventions et les exigences énergétiques grandissantes complexifient l’enjeu de financement pour les agriculteurs. (...)

L’étude publiée en 2020 démontre que les projets gaziers en injection sont aussi les plus rentables, mais demeurent réservés aux grands groupes gaziers ou aux grands collectifs agricoles des céréaliers industriels. (...)

Il conclut : « En l’absence de subventions publiques, il est probable que la méthanisation par injection ne deviendra accessible qu’aux agriculteurs les plus solides financièrement. »

Sur la période de 2014 à 2020, l’attribution de 27 milliards d’euros de subventions européennes et régionales ont permis l’émergence de trente-trois projets en Nouvelle-Aquitaine : un quart industriels, et trois quarts agricoles.

(...) Pour son nouveau plan de financement européen pour la période 2021-2027, l’Europe ne souhaite plus financer les grands groupes. Une décision qui bouleverse la gestion régionale (...)

Inverser la tendance

Le contexte énergétique actuel complexifie encore ces enjeux. La sortie de la période Covid et l’embargo sur le gaz russe avec la guerre en Ukraine ont créé un pic de demande énergétique. Pour Jimenez, la recherche de rentabilité et de compétitivité a été remplacée par un impératif : « Ne lâcher aucun type de méthanisation pour atteindre les 30% de biogaz dans le mix énergétique » ; objectif 2030. (...)

L’expert soutient qu’il a du mal à croire en la substitution totale au gaz naturel par la méthanisation à l’échelle nationale ou européenne. Il explique que le scénario des 30% d’énergie renouvelable concentrée sur le biogaz nécessiterait de multiplier par 50 le nombre d’unités de méthanisation par rapport au chiffre actuel.

Un objectif impossible à l’horizon 2030. Et risqué : « C’est vrai qu’il y a toute une méthanisation qui va nous échapper. Il faudrait plus d’exigence envers les grands groupes qu’envers les agriculteurs », concède Jimenez.
Jeune méthaniseur cherche déchet organique

Car l’Europe craint aussi la multiplication des cultures énergétiques, c’est-à-dire l’exploitation du sol uniquement destinée à la production de déchets méthanogènes. (...)

À Saint-Antoine-de-Breuilh, l’entreprise utilise une partie de son propre biogaz pour répondre à ses besoins énergétiques, redistribue son gaz sur le réseau local, s’alimente grâce à des déchets repêchés dans les 60 kilomètres à la ronde.

Ce fonctionnement en circuit court pourrait être compromis par la multiplication du nombre de méthaniseurs prévue sur le territoire néo-aquitain d’ici à 2030, et l’émergence d’une nouvelle concurrence. Il faudra alors aller chercher ailleurs. Et ailleurs, c’est parfois déjà trop loin.