
On parle partout de la "crise de l’autorité". Tout le monde cherche l’autorité perdue. Mais de quoi parle-t-on ? Il ne s’agit plus de l’autorité "coup de bâton". Cette autorité-là n’est que le décalque des conduites animales, celle du mâle dominant chez les éléphants de mer ou les chimpanzés. C’est pourquoi, quand je vois un patron avec son staff autour, plein de courbettes, je ne peux m’empêcher de penser aux ruts des wapitis dans les forêts de Californie du Nord. Cette autorité-là fait marcher les sociétés humaines comme des sociétés animales.
La hiérarchie est animale, il n’y a pas de doute là-dessus. Dès que vous exercez une contrainte, vous redevenez la "bête humaine". Le nazisme est le symbole de cette autorité, représentée - ce n’est pas un hasard - par un animal. L’autoritarisme a toujours été une tentation des sociétés humaines, ce danger qui nous guette de basculer très facilement dans le règne animal. En France, une femme meurt tous les jours sous les coups de son compagnon, mari ou amant. Est-ce cela, l’autorité masculine ? L’autorité perdue que l’on essaie de récupérer peut vite conduire au retour de l’autorité "coup de bâton".
La véritable autorité, celle qui grandit l’autre
Heureusement, la culture humaine a remplacé le schéma animal. Dans la langue française, le mot "autorité" vient du latin auctoritas, dont la racine se rattache au même groupe que augere, qui signifie "augmenter". La morale humaine augmente la valeur de l’autorité. Celui qui a autorité sur moi doit augmenter mes connaissances, mon bonheur, mon travail, ma sécurité, il a une fonction de croissance. La véritable autorité est celle qui grandit l’autre. (...)
Nous disons que l’autorité est en crise parce que nous passons d’une société hiérarchique, verticale, à une société plus transversale, notamment grâce aux réseaux comme Internet. Tout ne coule plus du haut vers le bas, de celui qui sait vers l’ignorant. Les relations parent-enfant, maître-élève, État-citoyen... sont à reconstruire.
Les puissants supposés qui s’adressaient à des imbéciles supposés sont en voie d’extinction. Une nouvelle démocratie du savoir est en marche. Désormais, la seule autorité qui peut s’imposer est fondée sur la compétence. (...)
L’autorité doit être une forme de fraternité qui vise à tous nous augmenter. Si ce n’est pas ça la démocratie, je ne connais plus le sens des mots !