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Mise en demeure de WhatsApp : l’espoir d’un bouleversement
Article mis en ligne le 21 décembre 2017
dernière modification le 20 décembre 2017

Avant-hier, la CNIL a annoncé mettre en demeure WhatsApp de corriger son système de transfert de données personnelles à Facebook. L’entreprise a un mois pour ce faire, sous peine d’être sanctionnée (le montant maximal de l’amende est de 3 millions d’euros). La CNIL considère ce transfert illicite car se fondant sur le consentement forcé des utilisateurs, ceux-ci ne pouvant s’y opposer qu’en renonçant à utiliser le service. La Quadrature du Net se réjouit de l’analyse faite par la CNIL, car c’est exactement celle qu’elle défend depuis des années. Les conséquences en seront particulièrement importantes.

La décision publiée avant-hier par la CNIL fait directement suite à un autre événement décisif, survenu la semaine dernière : le G29 (groupe de travail réunissant les CNIL européennes) a publié un projet de lignes directrices détaillant la façon dont la notion de « consentement » sera interprétée par les CNIL européennes dans leur application du règlement général sur la protection des données (RGPD) à partir du 26 mai prochain.

Ces lignes directrices reprennent dans une large mesure les mêmes positions que celles défendues par La Quadrature du Net depuis des années, en rendant explicites certaines interprétations du RGPD que de nombreuses entreprises et gouvernements refusaient jusqu’ici d’accepter. Ces interprétations sont d’autant plus utiles qu’elles contrent directement certaines positions dangereuses dans le débat législatif en cours sur le règlement ePrivacy.

La mise en demeure de WhatsApp n’est ni plus ni moins que la stricte application de ces lignes directrices.

La liberté et la spécificité du consentement (...)

Le G29 souligne une des conséquences fondamentales de cette notion : « le RGPD garantit que le traitement de données personnelles pour lequel le consentement est demandé ne peut pas devenir, directement ou indirectement, la contrepartie d’un contrat »4. Le Parlement européen avait d’ailleurs déjà commencé à prendre le même chemin le mois dernier, en décidant que « les données personnelles ne peuvent être comparées à un prix et, ainsi, ne peuvent être considérées comme des marchandises ».

Soulignons qu’il y a bien un type de traitement que l’utilisateur peut être obligé d’accepter pour utiliser le service : les traitements qui sont techniquement indispensables pour fournir le service (tels que des traitements de sécurité ou, s’agissant de services payants, de facturation). Cette « exception » ne fait pas débat, étant assez logique.

Enfin, le G29 rappelle que le consentement doit aussi être « spécifique », ce qui implique que les utilisateurs « devraient être libres de choisir quelle finalité [de traitement] ils acceptent, plutôt que d’avoir à consentir à un ensemble de finalités de traitement »5. Il s’agit d’une conséquence directe du caractère libre du consentement : on ne doit pas être contraint de consentir à une chose (être fiché, par exemple) au motif qu’on souhaite consentir à une autre (la transmission de ses communications à ses amis, par exemple).

Un consentement qui n’est ni libre ni spécifique n’est pas valide et ne peut autoriser aucun traitement de données personnelles.

Le cas WhatsApp

Le cas de WhatsApp est probablement le premier cas d’application aussi clair de ces exigences. (...)

La CNIL donne un mois à WhatsApp pour permettre à ses utilisateurs de refuser librement et spécifiquement le transfert de leurs données à Facebook. À défaut, ce transfert devrait tout simplement prendre fin, puisqu’il ne pourrait être autorisé par aucun consentement valide. (...)

On peut légitimement se demander comment Facebook pourra continuer à financer l’infrastructure sur laquelle repose ses services et comment, concrètement, il pourra survivre. La conclusion est simple : si Facebook ne trouve aucune source de financement ne reposant pas sur l’exploitation forcée des données personnelles de ses utilisateurs, il devra fermer son réseau social en Europe. Les mêmes conséquences peuvent être dessinées pour Google, Twitter, Amazon... et WhatsApp, comme on l’a vu.

Cette conclusion, aussi impressionnante peut-elle paraître pour certains, est en vérité l’objectif précisément recherché par le G29 et la CNIL dans leurs récentes positions. C’est aussi celui poursuivi par La Quadrature : empêcher la subsistance de modèles économiques fondés sur l’exploitation forcée d’une liberté fondamentale.

Cet objectif ne vise pas à interdire tout traitement de données personnelles (il en existe une myriade d’utiles pour la société, c’est évident), mais à empêcher qu’une industrie ne survive sur leur exploitation économique massive. Les seuls traitements légitimes de données personnelles sont ceux reconnus comme tels collectivement (par la loi) et ceux acceptés de façon désintéressée par les personnes concernées. Cette logique s’oppose en théorie au maintien d’une industrie tirant sa richesse de traitements massifs de données personnelles. (...)