
Alors que nous bouclons le numéro zéro du Journal Le paria pour le Salon Anticolonial qui se tient le week end prochain, Moha, co-fondateur et co-président du collectif Le paria, est violemment interpellé par les flics, gazé aux lacrymo, tabassé, placé en garde-à-vue, et de nouveau tabassé dans le commissariat du 4e. Il est relâché au bout de deux jours, sous le coup d’une convocation au tribunal. Autrement dit, il risque une peine de prison pour le seul fait d’avoir été victime d’une agression policière. Récidive, dit la convocation du procureur, menaçante : et pour cause… Moha, comme tant d’autres, est constamment harcelé par les forces de sécurité en tout genre. Ce sont en réalité elles qui récidivent, en toute impunité.
Chronique de la vie
– hélas –
ordinaire
C’est la seconde fois en six mois que ça arrive. Un scénario itératif avec des variantes : même lieu d’interpellation, la Gare du Nord, même commissariat du 4e arrondissement de Paris, et doublement tabassé par les policiers.
Cette fois-ci, les policiers allèguent comme motif de l’interpellation qu’ils l’ont vu en train de dealer du shit. Mais ils n’ont rien trouvé sur lui qui puisse étayer leur accusation : ni argent, ni barrette. Et pour cause : l’accusation est purement fallacieuse. (...)
Moha est une cible, pour reprendre le terme de la rappeuse Ryaam. Depuis deux ans que nous travaillons ensemble, il a subi d’innombrables contrôles d’identité, a été retenu une demi-douzaine de fois au commissariat pour vérification, placé une fois en centre de rétention juste avant que le tribunal administratif n’ordonne qu’on lui octroie un titre de séjour. Enfin, il a donc été interpellé et tabassé à deux reprises par des policiers. L’interpellation génère sa propre justification : il suffit aux policiers de déclarer qu’il leur a opposé une résistance pour justifier une garde-à-vue suivie d’une inculpation. C’est ce qui vient de se passer. Dans la logique du chiffre, cela équivaut à une affaire résolue : c’est tout bénef.
Comment peut-on opposer une quelconque résistance quand on est brutalement assailli par trois policiers, surgis de derrière sans crier gare ? L’un passe subitement son bras autour de votre cou, vous étrangle tout en vous faisant brutalement chuter sur le sol d’une balayette. Pas le temps de réagir (...)
Cellule du commissariat du 4e. Moha, meurtri, exténué, traumatisé, atterré, s’endort d’un sommeil agité. La porte s’ouvre. On le réveille : « On t’amène voir le médecin ». Moha refuse, dit que c’est son droit. « Ce n’est pas toi qui va décider, sale arabe ». Deux policiers le saisissent par les pieds et le traînent tout au long du couloir, puis dans les escaliers. Sa tête heurte les marches. Ils le mettent de force dans le fourgon et le bourrent de coups.
A l’unité médico-judiciaire, l’un des policiers se moque : « Putain, comment on t’a traîné ! Comme une pute. On t’a traîné comme une catin. » Moha répond : « ça va faire un bon article ». Un second flic, petit à lunettes : « Pourquoi ? Tu fais partie d’un collectif, Amel Bentounsi ou autre ?
— Non, mais vous allez être connus ».
Le médecin vérifie qu’il est un fumeur de cannabis, mais ne se donne pas la peine de notifier les hématomes qui couvrent son corps.
Six mois plus tôt, Moha est traité de « sale bougnoule » par une femme dans les couloirs de la Gare du Nord. (...)
Les contrôles au faciès font couler beaucoup d’encre. Mais on ne souligne jamais assez la menace qu’ils représentent. Car ils s’accompagnent très souvent de provocations, d’insultes ou d’injures racistes, et risquent à tout moment de déboucher sur une accusation d’outrage à agent dépositaire de l’autorité publique, et donc sur une peine de prison. Mais l’autorité publique se fiche que les agents qui en sont dépositaires outragent les citoyens qu’ils sont censés servir. (...)
Le paria refuse cet état de fait, et soutient l’appel à manifester de la marche des solidarités le 17 mars prochain. —
Laurent Bazin, pour Le paria
MARCHE DES SOLIDARITÉS
Nous, familles des victimes, MigrantEs, ImmigréEs, contre les violences policières, contre la chasse aux migrantEs et aux sans-papiers, contre le racisme d’Etat et le ciblage de la jeunesse et des quartiers populaires, pour la vérité, la justice, la dignité, l’égalité, la liberté, contre les lois d’exception et pour le retrait du projet de loi Macron-Collomb Asile et Immiogration, on appelle toutes et tous à marcher le 17 mars à Paris.