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« Monde d’après » : le déséquilibre flagrant du débat médiatique
Article mis en ligne le 30 juin 2020

Au cours du mois de mai, les médias se sont emparés du débat sur le « monde d’après » – après la crise du coronavirus, s’entend. Et sans surprise, sur les grandes chaînes télévisées et stations de radio, certaines voix (libérales) ont bénéficié d’un écho beaucoup plus important [1]. Un « deux poids, deux mesures » particulièrement frappant si l’on compare la couverture de deux séries de propositions : la note de l’Institut Montaigne, think tank patronal, sur le temps de travail ; et les mesures proposées par un panel exceptionnel d’organisations progressistes.

Mardi 26 mai, 19 organisations associatives et syndicales publiaient, à l’initiative de la CGT, d’Attac et de Greenpeace, un « plan de sortie de crise » pour « répondre aux urgences sanitaires, sociales, écologiques et fiscales ». Une initiative singulière par le périmètre large des signataires rassemblant organisations écologistes (dont Greenpeace, Amis de la terre, Alternatiba), associations (dont Attac, Oxfam, CCFD, DAL) et syndicats (dont CGT, Solidaires, FSU, UNEF, Confédération Paysanne ou le Syndicat de la magistrature). Et qui avance des propositions de rupture, précises et chiffrées, visant à promouvoir « des alternatives au capitalisme néolibéral, productiviste et autoritaire ».

Quelques semaines plus tôt, le 6 mai, l’Institut Montaigne publiait une note intitulée « Rebondir face au Covid-19 : l’enjeu du temps de travail ». Le think-tank patronal, jouissant de moyens et d’un entregent de premier plan, y détaillait neuf propositions « pour adapter le temps de travail en contexte de crise ». Un concentré de pensée libérale, resucée de recettes du Medef destinées à augmenter le temps de travail, qui a bénéficié d’un important coup de projecteur médiatique sur lequel nous sommes revenus dans un précédent article.

Diamétralement opposées sur le fond, ces programmes de sortie de crise s’inscrivent tous deux dans le débat sur le « monde d’après ». Ils représentent des forces sociales importantes : la note Montaigne fait état d’une réflexion d’inspiration patronale ; le plan CGT-Attac-Greenpeace des propositions d’une partie significative du mouvement social.

La crise du coronavirus ayant remis profondément en question la gestion libérale des sociétés associée à la mondialisation, on pouvait légitimement s’attendre à ce que le débat sur « le monde d’après » mette en avant des projets alternatifs. Or, pour l’instant, c’est tout le contraire que l’on a pu constater. (...)

La mythologie journalistique voudrait que les médias soient les organisateurs neutres, objectifs du débat démocratique. Il suffit pourtant de lire la presse, d’écouter la radio ou de regarder la télévision pour mesurer le fossé qui sépare ce discours de la réalité. La crise du coronavirus n’a strictement rien changé (sinon en pire !) (...)

La diffusion outrancièrement favorable au patronat des propositions pour « le monde d’après » est une autre illustration accablante de la misère du pluralisme médiatique. Si un autre monde est possible, d’autres médias le sont aussi. Pour qu’un autre monde soit possible, d’autres médias sont nécessaires.